Ce billet a été ré-écrit et enrichi : lien vers la nouvelle version —> XIII° s. Le cas des cols v1.2 <—
C’est une telle évidence que le sujet est peu abordé : il faut pouvoir enfiler ses vêtements, qu’ils soient réalisés en étoffe souple et élastique ou plus rigide, de façon à ce qu’ils soient suffisamment confortables et suffisamment protecteurs (donc suffisamment ajustés).
Au XIII°siècle, la mode tant masculine que féminine figurée sur les peintures, les dessins et les sculptures montre des vêtements à encolure portée au ras du cou. D’un point de vue pratique, cela signifie qu’il faut alors trouver un compromis : soit passer la tête par une ouverture étroite, soit ménager un système d’ouverture/fermeture.
Proportion de vêtements ouverts au cou
La plupart des représentations ne fournissent aucune indication sur un mode d’ouverture particulier : on va au plus simple, l’encolure est évidée suffisamment pour passer la tête tout en restant au ras du cou une fois mise en place.
Quelques représentations montrent la présence d’une ouverture fermée ou non par une broche, ou bien un bouton ou encore une série de boutons. Nous savons que les représentations signalent la présence d’un objet, d’une particularité, d’un décor, d’une couleur mais ne les reproduisent pas aussi fidèlement que le ferait une photographie : l’esthétique du dessin, l’épaisseur du trait, la taille du dessin sont autant de contraintes qui limitent cette fidélité.
Il ne semble pas que la proportion de cols fermés vs. cols ouvrant soit liée au niveau de détail choisi par les artistes car certains cols ouvrant ne sont pas des oeuvres isolées, mais figurent dans des manuscrits aux illustrations homogènes. Les cols ouvrant y sont rares, alors que les occasions de les faire figurer ne le sont pas (personnage représenté de face, sans décor occultant la gorge, scènes de groupe…). La proportion entre cols fermés et cols ouvrant pourrait être considérée comme une représentation correcte de la réalité : très peu de cols ouverts pour une écrasante majorité de cols fermés. Cette proportion peut varier un peu plus dans le cas des manteaux.
Quels vêtements ?
La mode « ras du cou » ne permet généralement pas de voir la chemise. Il existe peu de sujets permettant à un peintre de représenter des personnes vêtues uniquement de leur chemise ; la plupart des scènes montrent des gens habillés (et en proportion, il y a bien plus d’hommes que de femmes).
Nous allons donc nous intéresser principalement aux cols des vêtements de dessus, que l’on peut grouper en trois familles : la tunique (ou la cotte) qui constitue la première couche de vêtement portée sur la chemise, la surcotte (ou le surcot) sans capuche avec ou sans manche, typique de la mode du siècle et portée par dessus la tunique, et puis le manteau d’hiver (ou de voyage) à capuche, porté (probablement) par dessus le tout.
Cols fermés
Il reste quelques cols fermés à encolure en V (img 1) comme on a vu beaucoup au siècle précédent mais l’immense majorité des encolures est arrondie, tant sur les hommes que sur les femmes, sur tous types de vêtements (img 2).
Encolure fendue verticalement
L’encolure reste arrondie au ras du cou, mais une courte fente verticale facilite le passage de la tête. Le terme « amigault » (ou amigaut) est synonyme de fente[01]amigault dans le Godefroy.

Sur les tuniques légères tant masculines que féminines, cette fente est parfois maintenue close par une petite broche (img 3bis) appelée fermail (un bijoux utilitaire peu utilisé au XII°s., très présent au XIII°s. et que l’on verra encore au XIV°s. et beaucoup moins au XV°s)

Sur quelques surcots tant masculins (img 4) que féminins (img 31), cette fente est fermée par une série de boutons ronds ou plus probablement sphériques.

Sur les manteaux à manches amples, la fente est plus souvent présente et semble plus longue ; elle est également maintenue fermée par une série de boutons sur des hommes (img 6) et sur des femmes (img 5).
La plupart du temps, la longue fente des surcots et manteaux est au centre de la poitrine (img. 6), mais quelques illustrations la montrent nettement décalée sur le côté (img 7, 8).
Col avec plusieurs boutons alignés le long d’une fente oblique
La fente commence au centre, au niveau du sternum et part en biais vers l’épaule (img 9). Le plus souvent vers l’épaule gauche (img 9,10, 12) mais parfois vers la droite (img 11).
La présence de boutons dessinés sur la pointe mobile (sauf image 11) suggère que c’est le rabat qui porte les boutonnières et la partie immobile les boutons. On peut supposer qu’il y a un recouvrement au moins léger, afin que le vêtement remplisse son rôle de protection contre le froid.
A une occasion (img 11), on peut noter un bouton unique de l’autre côté de la patte. Ce dessin en particulier montre également des boutons sur le corps de la tunique et non sur la patte, ce qui impliquerait une fermeture par brides fixées sur la patte indiquant un dispositif encore différent ; les autres boutonnages (verticaux) de l’ouvrage (f.242r, f.255v, f. 262r) montrent également des boutons en lisière, incomplètement ronds (img 6). C’est vraiment très particulier et propre à cet ouvrage.
Cette fente oblique est observée sur des surcots avec ou sans manche (img 9, 10, 11, 13) mais aussi sur un manteau (img 12). Elle n’est connue figurée que fermée.
Elle n’a été repérée que sur des hommes.
Cols avec un rabat oblique et un bouton aux épaules
La fente commence au centre, au niveau du sternum et part en biais vers l’épaule. Il y a un unique bouton à l’extrémité de la pointe mobile. Un autre bouton est parfois figuré à même hauteur, de l’autre côté du cou.
Lorsque cette encolure est fermée, elle est très discrète et peu repérable. On pourrait même la confondre avec un replis de tissu sur une tunique trop ample (img 14).

Un dispositif de fermeture similaire (le trait n’est pas rectiligne) est connu avant le XIII°s (img 15, 16, 17).
Un second bouton à l’opposé de la pointe mobile est encore plus difficile à repérer, il est même parfois absent (img 29, 30, 31, 32). Cependant, sa présence permet de supposer que cette encolure est constituée de deux parties mobiles symétriques qui se superposent : voilà qui règlerait la question de la protection au froid.
Quelques représentations de ce col ouvert permettent de confirmer l’hypothèse de deux rabats superposés chacun garni d’un bouton à l’extrémité de la pointe : au moins deux boutons sont toujours visibles sur les cols ouverts (img 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25).

A noter que les cols à double rabats italiens et français (anglais ?) ouverts présentent seulement 2 boutons, un à chaque pointe du rabat (18, 19, 20, 21). Les cols à double rabats de la Suisse actuelle ou de l’Allemagne actuelle montrent eux trois boutons (img 19, 24, 25) : un à chaque extrémité du rabat, plus un à la jonction des deux rabats avec la partie fixe ; ce troisième bouton n’a pas été repéré sur des cols fermés.
Dans tous les cas, la nature des boutons est difficile à deviner : des boutons en tissu, en os, en corne ou alliage cuivreux sont tout autant possibles. Leur forme est au minium ronde (d’après les dessins et peintures) et plus probablement sphérique (d’après les sculptures). Le bouton de la patte externe passe probablement au travers d’une bride (img 31) ; le bouton du rabat intérieur passera probablement au travers d’une boutonnière, à moins d’être placé en extrême lisière pour une bride, au risque d’un certain inconfort sur le cou.
Parfois, l’ouverture en biais est bien signalée, mais le niveau de détail des oeuvres ne permet pas de repérer la présence de boutons : ni des boutons en ligne oblique ni les deux boutons d’un double rabat, mais cependant le bouton de la pointe peut-être figuré (img 29, 30, 31, 32).

Dans un cas particulier d’encolure en V (img 27) et non ronde, il semble y avoir deux rabats asymétriques, l’un étant maintenu au niveau de l’épaule comme habituellement, mais l’autre bouton se situant dans le creux du V.
Ce type d’ouverture n’a été repéré que sur des hommes. Dans la mesure où cette ouverture n’est déjà pas très présente sur les hommes, et que les représentations de femmes sont largement inférieures en nombre aux représentations d’hommes, les chances d’en identifier sur des femmes sont minces.
Boutonnage sur l’épaule
Cette représentation est fort rare mais mérite d’être signalée. Elle est connue notamment par une cotte portée manches dépassées par un enfant (l’observation montre que les enfants autonomes sont généralement vêtus comme les adultes).

Nous connaissons un autre exemple plus tardif sur un manteau à manches amples non plissées (img 34) et sur un surcot de femme (img 35, 36).
Ce billet a été ré-écrit et enrichi : lien vers la nouvelle version –> XIII° s. Le cas des cols v1.2 <—