Pommes de senteur, pommes d’ambre, pomanders

Ce billet propose un rapide tour d’horizon des connaissances accessibles facilement concernant les pommes d’ambre.

Qu’est-ce qu’une pomme d’ambre ?

 

Henry Havard[01]voir le § linographie, dans le Dictionnaire de l’ameublement et de la décoration, cite Olivier de le Haye qui explique « Pomme d’ambre, écrit-il, est une pomme artificièle, composée d’ambre et de plusieurs autres nobles matières, et est moult odorant et conforte la cervèle et défent contre la malice de l’air ».

Le terme de « pomme », ici comme souvent, désigne plutôt un fruit en général et pas seulement le fruit du pommier tel que nous le connaissons actuellement. Mais c’est surtout une allusion à  la forme, sphérique. Quant à l’ambre, il ne désigne pas la résine fossile mais l’ « ambre gris ».

Deux exemples d’ambre gris. Photo ambergris.eu

C’est une matière solide organique produite dans l’intestin des cachalots[02]https://fr.wikipedia.org/wiki/Ambre_gris et qui, correctement apprêtée exhale une fragrance puissante. Elle est toujours très utilisée en parfumerie moderne, rare et très chère.

A la base, la pomme d’ambre est une bille de parfum solide. Des mélanges odorants à base d’ambre gris mais aussi de musc, de civette, de sèves et d’épice, étaient portés sur soi, ou bien exhibés, dans des petites sphères ajourées, à la façon d’un pot-pourri de poche.

Dans les inventaires français, on trouve « pomme d’ambre garnie d’or » aussi bien que « pomme d’or plaine d’ambre » pour recenser ces  « pommes de senteur »[03]https://fr.wikipedia.org/wiki/Pomme_de_senteur. « Pomme d’ambre », par contraction, devient pomander[04]https://en.wikipedia.org/wiki/Pomander en anglais ; c’est  Bisamapfel ou Muskapfel  en allemand  ; on trouve pomum de ambra (et poma de ambra au pluriel) en latin.

Cet accessoire a connu un grand succès au XIVe siècle en tant que prophylaxie contre les miasmes inconnus propageant la peste ; il y a une continuité d’usage jusqu’au XVIIe siècle et de grosses perles ajourées sont repérables sur un certain nombre de tableaux, en complément des artefacts disponibles dans de nombreux musées. Les bijoux peuvent être pendus à une ceinture ou portés à un doigt par une chaîne[05]https://en.wikipedia.org/wiki/Pomander#/media/File:Pomander_1518.jpg. Plus tard, ils pourront devenir des boutons ou suspendus à un collier et ne se contenteront plus d’être des sphères simples.

Les bijoux parvenus jusqu’à nous peuvent être des sphères constituées de quartiers s’ouvrant individuellement[06]il en existe un exemplaire bien antérieur, daté ca. 1350, au VAM ou d’hémisphères articulés ou assemblés de façon à permettre d’insérer le parfum solide. Parfois, les quartiers sont gravés au nom du contenant[07]Musée du Moyen Âge de Cluny https://www.photo.rmn.fr/archive/17-634973-2C6NU0AKG7UVN.html

Ce sont des bijoux, ils sont de dimensions relativement modestes. Il n’y a pas la place d’insérer des braises, on ne peut pas les confondre avec des encensoirs destinés à des fumigations, et surtout pas les modèles clos, à logettes. Certains de ces bijoux à quartiers portent le nom de l’épice contenue dans le compartiment : ce ne sont pas des reliquaires par destination, même s’ils ont pu être transformés en reliquaires par l’usage.

Trois pomanders du musée royal d’Amsterdam. Photos : Rijksmuseum  

 

Ils peuvent aussi n’être plus vraiment des sphères :

 

Pommander hollandais début XVIe s. au VAM. Photo : VAM.

 

Les pommes d’ambre les plus anciennes

Celles parvenues jusqu’à nous sont relativement simples et sphériques, avec au moins une bélière, parfois deux anneaux (pour les inclure dans une patenotre, un demi-ceint ? )

 

Pomander à deux anneaux de fixation, ca. 1500, au VAM. Photo : VAM
Pomme de senteurs à quartiers, ca. 1350. Les inscriptions sur les quartiers ne laissent aucun doute sur un usage profane : ils renvoient au Jugement de Pâris et portent les noms de Junon, Pâris, Pallas et Vénus. Photo VAM

 

Anciennes, à quel point ?

 

XIIIe siècle ? C’est probable

 

1239
Page 110 de la « Préface du XXIIe volume des Historiens de France », Natalis de Wailly[08]voir le § linographie signale en 1865 à propos de saint Louis  « Notre compte prouve qu’en 1239 il[Saint Louis] portait encore de l’écarlate et des fourrures de vair pour ses vêtements d’apparat, et qu’il employait d’ailleurs pour sa personne diverses étoffes de soie et la toile de lin, qui était alors d’un prix élevé. Plusieurs ouvrages d’orfévrerie, des harnais argentés et dorés, une pomme d’ambre achetée 30 livres, prouvent aussi qu’il n’avait pas encore proscrit le luxe de sa cour.« 

 

Ambre jaune, résine fossile. Photo https://www.ambrepassion.fr

1240 ou 1218-19 ?
– Ernest Langlois[09]voir le § linographie cite en 1924 Jacques de Vitry :  « Suscepimus tamen ad utilitatem reipublice magnam partem delitiarum Egypti in auro et argento, perlis et pomis ambre, filis aureis, phylacteriis variis pannis sericis pretiosis » (Jacques de Vitry, Historia Orientalis, liv. III, dans Bongars, Gesta Dei per Francos, t. 1 p. 1143). 
Jacques de Vitry, évèque d’Acre étant mort en 1240, Ernest Langlois fait donc par défaut remonter la première description de pomme de senteur à avant 1240.
Jacques Texier[10]voir le § linographie en traitant l’entrée « ambre » avec la même citation de Vitry choisit l’année de la mort de l’évèque : 1240 (serait-ce la source  de l’erreur fréquemment propagée ?).
Cependant, la phrase citée par Langlois figure dans la description du siège de Damiette[11]https://fr.wikipedia.org/wiki/Si%C3%A8ge_de_Damiette_(1218), il faudrait donc remonter jusque vers 1218-1219, à la date de la collecte. Et non 1240, qui n’est probablement même pas la date de rédaction.

Mais considérons également la traduction de cette phrase de Vitry par François Guizot[12]voir le § linographie : « Nous rassemblâmes cependant, dans l’intérêt général, une grande partie des richesses délicieuses de l’Égypte, de l’or et de l’argent, des perles et des grains d’ambre, des fils d’or, des amulettes de diverses espèces, de précieuses étoffes de soie. »
« Grains d’ambre » (pour «pomis ambre») a du sens en soi. Et cela ne renvoie ni à une boule odorante d’ambre gris, ni à un étui ciselé enserrant une bille de parfum solide. Le principe du rasoir d’Occam incite à penser qu’il s’agit tout simplement de perles de résine fossile précieuse (l’autre ambre, jaune, et sans fragrance prononcée). 
A mon sens, cette phrase de Jacques de Vitry ne décrit pas des pommes de senteur, ni en tant que bijou, ni en tant que parfum solide d’ambre gris (de plus, l’expression « pomis ambre » perturbe mes souvenirs de latin) et je ne retiendrai pas la date 1218-1219 (siège de Damiette), ni celle de  1240 (qui me semble n’être en rapport avec rien).  Au passage, vous avez toutes les cartes en main pour décider vous-même ce qui est faux dans l’affirmation ci-dessous :

(affirmation non étayée, provenant d’un blog… Non, l’évêque d’Acre n’organise pas d’importation, et non, le retour de Damiette n’était pas en 1240, et non, l’Egypte n’est pas « en Orient » mais est en Afrique du Nord – au mieux, au Moyen-Orient, mais pas « en Orient »).

 

1287
En 1287 dans l’Inventaire du cardinal Geoffroi d’Alatri publié par Maurice Prou en 1885 (page 402)[13]voir le § linographie figure une pomme d’ambre et son étui d’argent : « 285) Item, unum pomum de ambra ligatum argento, non ext »[14]non ext = non estimé. Estimé s’écrit parfois extimé.

 

1294
D’autres affirmations non justifiées, parfois fantaisistes dans leur énoncé sont reprises de-ci, de-là dans divers blogs (dont certains se veulent sérieux). Elles sont reformulées pour procéder par allusion afin de ne pas trop ressembler à l’original.
Ainsi, « La reine Eléonore d’Angleterre achetait, pour sa part, des boules de musc à Roger d’Acre en 1294 » [15]En 1294, il ne peut s’agir que d’Alienor d’Aquitaine se retrouve également sous la forme  « […]en 1294. Achetée à un certain Roger d’Acre (vous situez) par la reine d’Angleterre.« 
Tant que leur origine ne sera pas mentionnée, et que la piste ne pourra être remontée, il est plus sage d’estimer s’agit de conjectures et qu’elles ne sauraient être prises au sérieux. Nous ne retiendrons pas non plus pas cette anecdote à propos de 1294.

 

1295
Cinq poma de ambra, décorées d’or et de perles et de quelques pierres figurent dans  l’Inventaire du trésor du Saint-Siège sous Boniface VIII (1295) publié par Emile Molinier en 1882[16]voir le § linographie : « 402. — Item, v. poma de ambra ornata auro et perlis et aliquibus lapillis » (poma étant le pluriel de pomum, puisque l’inventaire en relève V (cinq) ).

 

XIIe siècle ? Peut-être

 

Il existerait une autre mention, plus ancienne, de pomander, remontant à 1174. Il est assez ardu de déterminer sous quelle forme cette mention a été faite (récit diplomatique, comptes, inventaires ?) car les blogs s’y référant se gardent bien de donner leur source (les blogueurs la connaissent-ils seulement ?). Certains sont affirmatifs et parlent de pommes d’ambre, d’autres sont plus prudents.
Le fait est que la seule référence en ligne digne de confiance est la note de bas de page n°37 d’un article de Philippe Trélat[17]voir le § linographie renvoyant à un ouvrage anglophone : « En 1174, Frédéric Barberousse aurait reçu du roi Baudoin de Jérusalem des brûle-parfums en forme de pomme. Launert 1974, p. 30. »

En anglais encore, on peut se reporter au commentaire du V&AM  « They may have owed their introduction into European society to oriental example – Byzantine or more probably Islamic – for among the gifts King Baldwin IV of Jerusalem sent in 1174 to the Emperor Frederick Barbarossa were ‘golden apples filled with musk’. « [18]http://collections.vam.ac.uk/item/O105969/ball-for-musk-unknown/. La référence est peut-être également empruntée à « Scent & scent bottles » par Edmund Launert.

 
XIVe siècle & XVe siècle ? C’est certain

 

Les pommes d’ambre en tant que bijoux sont régulièrement citées dans des inventaires mobiliers et des livres de comptes. Les pommes de senteur peuvent être répertoriées sous des appellations diverses : pommes d’ambre, pomme de muz, pomme de must… Voici une liste indicative et non exhaustive. Peut-être que certaines figurent dans nos musées ?

– Le Bulletin de la Société historique d’Auteuil et de Passy publie en 1904[19]voir le § linographie l’inventaire des reliques de l’abbaye royale de Longchamps (Arch. N. L. 1027) en 1325 :  « 28° : une véronique qui fut à madame et une pomme d’ambre et un agnus dei. « 
Ne disposant pas du texte original, et le contexte se prêtant peu à une simple perle d’ambre jaune, le bénéfice du doute va à une véritable pomme de senteur. Il y a une coquille dans le document de 1904, qui note 1235 (au lieu de 1325, comme stipulé en chiffres romains dans le texte CCCXXV) [20]ce qui a  précédemment conduit à un placement mécanique dans le mauvais paragraphe ici-même.
Mauvais ? Quoi que…
Voici un bijou promu au rang de relique, probablement en vénération de la fondatrice de l’abbaye (la sœur de saint Louis, Isabelle de France), les trois objets – et non un seul – lui ayant probablement appartenu, raison pour laquelle ils figurent dans la même entrée d’inventaire. Si c’est le cas, alors cette pomme devra rechanger de paragraphe car Isabelle, fondatrice mais qui n’a jamais été nonne elle-même, est morte en 1270 (et s’il s’agissait de la pomme repérée par Wailly dans les comptes de saint Louis ?^^).
En attendant, il n’y a rien d’étonnant à ce que des objets profanes luxueux se retrouvent dans des trésors d’églises même monastiques, les dons aux églises, aux monastères et aux abbayes étaient fréquents et Isabelle aurait pu l’offrir en arrivant.
Oublions les suppositions, observons les faits : un bijou de type « étui de parfum solide » était dans les murs en 1325, qui que ce soit qui l’ait offert et quel qu’ait été son utilisation une fois offert.

– Edmond Albe, pour la Société des études littéraires, scientifiques et artistiques du Lot[21]voir le § linographie mentionne une pomme d’ambre dans l’analyse des comptes du pape Jean XXII (Jacques Duèze, pape de 1316 à 1334) au chapitre « Pharmacie ». Il n’est pas question dans le travail d’Albe de recenser des objets de culte (de type relique) ou de bijoux, mais bien de soins : « Comme drogues proprement dites, nous ne trouvons guère que les mots vagues de medicina, relus medicinalibus, et ceux-ci, la plupart inconnus pour nous, de diatimino, de sticadossi, de caulete rozate (ceci pour l’antipape), de poudre de capari, de liquiricia, d’aposèmes laxatifs, derei barbari electi, de pomme d’ambre (pro quodam pomo dambre), de citomatis, de caussaponibus. Nous voyons fabriquer des sirops (cirupis) des électuaires[…] ». 
Voilà un caillou dans le jardin des interprétations visant à faire des pommes d’ambre un objet exclusivement religieux. Employé par un religieux, certes, mais d’abord un soin. Et avant la « grande peste ».

– Inventaire et vente après décès de la reine Clémence de Hongrie veuve de Louis le Hutin. 1328[22]voir bibliothèque de liens :
« 385. Item, une pomme d’ambre, garnie d’or et à perrerie, présié 30 par ».
« 386. Item, une autre pomme d’ambre, garnie d’argent, présié 20 par ».

 

– Inventaire des meubles de la reine Jeanne de Boulogne, seconde femme du roi Jean (1360) [23]voir linographie

Inventaire des meubles de la reine Jeanne de Boulogne, seconde femme du roi Jean (1360), (p.15). Source : Gallica

 

 

– Testament du roi Jean le Bon et inventaire de ses joyaux à Londres (7-9 avril 1364)[24]voir linographie :
« Item une pome d’ambre garnie de pelles et de veire rouge-et vert. »
« Item i autre pome d’ambre garnie d’argent »

 

– Inventaire de l’orfèvrerie et des joyaux de Louis Ier, duc d’Anjou, fils de Jean le Bon (après 1374 – avant 1380?)[25]voir linographie :

Source : un blog « bien informé »

Hé bien si, il y a des pommes.
« 3578. Une bien grosse pomme ronde de muglias de fin ambre, garnie d’or à la maniere de Gennes… « 
« 3579. Une autre pomme d’or, pareille de grosseur, de façon et d’esmaus à celle dessus escripte, sans aucune différence… »
« 3580. Une autre pomme de muglias, garnie d’or, d’assés plus petite que les autres… »
« 3581. Une grosse pomme roonde de muglias de fin ambre, garnie d’argent doré en la maniere de Jenne… »

 – Inventaire du mobilier de Charles V (année 1380)[26]voir linographie :
« 212. Item, une pomme d’or, plaine d’ambre, garnye de pierrerie pesant deux onces quinze estellins »
« 609. Une pomme d’ambre garnye de quatre bandes d’or par manière d’orbevoyes et huit menues perles et deux grosses, pendans à ung laz[27]lacet de soye azuré où il a ung gros bouton de perles » 
« 610. Item, une autre pomme d’ambre beslongue, à troys bendes d’orgarnyes de pierrerie, c’est assavoir perles d’Escosse, rubiz d’Alixandre  et esmeraudes, et ung touret dessus, faict d’un ballay[28]rubis, et pend à ung petit lacet à ung bouton de perles. »
« 611. Item, une autre pomme d’ambre à quatre bendes d’or hachées, à deux perles d’Escosse. »
« 612. Item, une autre pomme d’ambre, à troys petites bendes d’or et une grosse perle d’Orient, pendant à ung laz de soye où est ung bouton de perles. »
« 613. Item, une pomme d’ambre garnye d’or en croix, en laquelle huit grosses perles plates, à ung balay au bout; et pend à ung laz de soye ouquel il a ung bouton de perles. »
« 785. Item, une pomme d’ambre garnye d’or en croix, en laquelle a huit grosses perles plates et ung ballay au bout, et pend à laz de soye, ouquel a ung bouton de perles »
« 1941. Item, une pomme d’ambre, d’argent doré, et a une perle au bout. »
« 2061. Item, six pommes d’ambre, sans nulle garnyson. » 
Faut-il comprendre que les six étuis sont vides ou bien que les six billes de parfums sont des recharges pour d’autres étuis ?
« 2411. Item, une pomme plaine d’ambre, garnye d’argent et esmaillée autour de menue lettre »
« 2413. Item, une autre pomme plaine d’ambre, garnye d’argent, pendant à ung laz de soye azurée. »
« 2415. Item, une pomme d’ambre, à quatre bandes d’argent doré. »
« 2854. Item, une autre petite pomme d’or, plaine d’ambre, en façon de lozanges, et garnye de petiz ballesseaulx[29]rubis et de perles; pesant une once quinze estellins »
« 2858. Item, une pomme d’ambre couverte d’or, à fleurs de liz et à osteaulx; non pesée, pour ce qu’il y a pou d’or. »
« 2870. Item, une pomme d’ambre garnye d’or, percée à osteaulx. garnye de troys ballesseaulx, troys saphirs, et six perles; pesant cinq onces quinze estellins »
« 2885. Item, une pomme d’ambre, garnye d’or, lozengée de menues perles, et ou mylieu des lozenges, garnye de grosses perles; pesant quatre onces. »
« 2887. Item, une grosse pomme d’ambre garnye de six pampes d’or qui sont à serpentelles, à menue pierrerie de perles, de grenatz et d’esmeraudes ».

– Inventaires du Duc de Berry (1401-1416)[30]voir linographie :
« 213. Item, une pomme de must[31]musc à quatre crestes d’or, que Christofle de La Mer donna à Monseigneur; garnie de IIII balaisseaux[32]rubis, six saphirs et dix-sept perles »
« 254. Item, une très grosse pomme de fin ambre et de must, garnie d’or à l’ouvraige de Damas, et dessoubz une grosse perle,
et pend à une bourse. »
« 255. Item, une autre pomme de must, garnie d’or; à l’un des boux a un saphir et VIII perles, et à l’autre VII perles. »
« 256. Item, une autre pomme de must, garnie d’or à IV bandes, et dessoubz a un petit grain d’esmeraude »
« 257. Item, une autre pomme de must, semblable et de semblable façon »
« 258. Item, une autre pomme de must, garnie d’argent à IIII bandes, en laquelle a une perle au bout, et au bout du laz menues perles »
« 259. Item, une autre pomme de must, garnie d’argent à l’ouvraige de Damas et de menues perles, où il fault une perle au bout. »
« 260. Item, trois pommes de must, garnies d’argent à l’euvre de Damas, chacune une perle au bout; et y a dessus pluseurs menues perles »
« 261. Item, une pomme de must, garnie d’argent à l’ouvraige de Damas, en laquelle a plusieurs menues perles »
« 262. Item, une pomme d’argent toute vuide, ordonnée pour y mettre must »
« 318. Item, une tres grosse pomme de must, faite à triangles en. manière de demies lozanges, garnie d’or à ouvraige de Venise et de pluseurs petis esmaulx de pelite roons »
« 328. Item, une belle pomme de must qui se ouvre par le milieu en deux pièces, fermant à charnières d’or, et pendant à une petite  chaienne de mesmes, paincte par dedens à ymaiges de la main Jehannin d’Orléans « 
(reçue en décembre 1408)
« 334. Item, une pomme d’ambre et de must, garnie d’or et de perles »
« 335. Item, une belle pomme d’ambre et de must qui se oeuvre par la moictié en deux pièces fermant à charnières, et pendant à une petite chaienne; en laquelle a par dedens un ymaige de Nostre Seigneur et un de Nostre Dame, de paincture »
(reçue en 1411)
« 1133. Item, une pomme d’or en laquelle il a du must, qui s’euvre à quatre quartiers, et ou millieu a un ymaige de Nostre Dame fermant à viz, que tient ung saint Michiel, et par dessus chascun quartier a ung ymaige garny entour de perles; laquelle pomme maistre Pierre de Lesclat a donnée à Monseigneur aux estrainnes, le premier jour de janvier l’an mil quatre cens et quatourze ».
« 1134. Item, une pomme d’or qui s’euvre, garnie entour de pierrerie de petite valeur, c’est assavoir : de quatre balaisseaux, quatre saphirs et vint et quatre perles ; laquelle pomme madame de Bourbon a donnée à Monseigneur ausdictes estrainnes. »

« 1137. Item, une pomme faicte de must, garnie d’or, pendant à ung laz, et au bout ung bouton de perles; laquelle pomme la royne de Chippre a donnée à Monseigneur ausdictes estrainnes quatre cens et quinze. »

 

– Inventaire des joyaux de la couronne en 1418 [33]voir linographie :
« 62. Item. Deux pommes de muz[34]musc, faictes à la façon de Damaz et sont d’argent ».
« 149. Item. Une pomme plaine d’ambre, garnie d’argent et esmailtée autour de menue lettre ».
« 150. Item. Une autre pomme plaine d’ambre, garnie d’argent, pendant à un laz de soye azurée ».
« 151. item. Une pomme d’ambre, à quatre bendes d’argent doré ».
« 304. Item. Deux pommes d’argent dorées garnies de muglias. »
« 419. Premièrement. Une petite pomme d’or plaine d’ambre, en façon de lozanges, et est garnie de petis balessiaux et de perles. Pesant une once, quinze esterlins. – est. ».
« 421. Item. Une pomme d’ambre garnie d’or, percée à osteaulx, garnie de trois halesseaulx, trois saphirs et six perles. Pesant cinq onces, quinze esterlins. est. »

Il faut être circonspect en explorant les documents : toutes les « pommes » mentionnées ne sont pas des pommes de senteur destinées à contenir du parfum solide. Pour certaines, il est précisé « pour mectre relicques » [35]item 2853 https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k114570g/f336.item : ces étuis doivent être proches des pommes d’ambre s’ouvrant par quartiers et illustrées plus haut.

Pour d’autres, l’inventaire dit  « à chauffer mains »[36]item 2719 https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k114570g/f325.item : ces pommes sont bien plus grosses, s’ouvrent en deux, on y dépose des braises dans un réceptacle au centre de la sphère ; les plus évoluées contiennent un dispositif gyroscopique pour empêcher les braises de tomber sur la paroi. Il y en a une très belle au MET et une autre à Halberstadt.

– Inventaire des biens de Charlotte de Savoie (1483)[37]voir le § linographie :
« Item, une petite pomme d’ambre 2, garnye d’or, extimée III escuz. «   . Page 354 (partie 1)
« Item, une pomme d’argent en laquelle a des senteurs, et est bien ouvrée, extimée IIII escuz« . Page 427 (partie 2)


 
Renaissance et jusqu’au XVIIe siècle ? Assurément

Elle sont largement présentes dans les musées et assez faciles à identifier sur les portraits peints (voir les blogs cités dans le § linographie).

 

Ingrédients répertoriés

A nouveau dans le commentaire du V&AM à propos d’une boule à musc[38]http://collections.vam.ac.uk/item/O105969/ball-for-musk-unknown/, une recette est mentionnée.

« A recipe for pomander paste of the same period as this object can be found in a verse of 1482 by the German Meistersinger Hanz Folz (c.1450-1515):

‘Therefore we need to know now
What withstands these poisons.
That is: to temper the air, strengthen the stomach, heart and brain,
Taste and savour aromatic things,
(To chase away these Forces)
One could wear a pomander
Prepared as the recipes say:
With frankincense, aloes, amber,
Camphor, cloves, oil-of-Ben, dried ginger-root,
Mace, lemon zest,
Ground mint, nutmeg,
Aromatic reeds,
Stem of Valerian,
Roses, gum, sandalwood,
Java pepper, cinnamon,
White turmeric, bugloss, laudanum,
Marjoram and bone charcoal.
Two types of apple are made of this
For Summer and for Winter time.
But whoever has the illness now
Taste it quickly, is my advice.’

(Hans Folz, Die Reimpaarsprüche Pestregimen in Versen (1482), lines 149-170.)« 

Il est toutefois possible de réaliser ces parfums solides à moindre coût, sans ambre gris. Notamment, pour se prémunir de la peste, diverses recettes ont été fournies selon les moyens financiers : musc, ciste ladanifère, santal, benjoin, cinnamome, camphre, citron, bois d’aloès…

Si vous voulez plus de détails encore, Georges Guigue[39]voir § linographie a publié le « Poème sur la grande peste de 1348 » d’Olivier de la Haye, qui décrit en vers l’usage des pommes d’ambre et quelques compositions odorantes (gomme arabique, encens, myrrhe, rose, macis, muscade, clou de girofle, menthe, garingal…). Oliver de la Haye propose divers assemblages, dont certains contiennent des ingrédients accessibles sans être fortuné. L’usage de la « pomme d’ambre » prophylactique (et non le bijoux pour la transporter) semble alors (dans le contexte de la grande peste de 1348) concerner toute la population.

H.-E. Rébouis, dans son étude sur la peste[40]voir le § linographie a traduit la « Consultation sur l’épidémie faite par le collège de la faculté de médecine de Paris en 1348 » rédigée à la demande du roi[41]Philippe VI. Des recettes d’antidotes sont proposées, dont plusieurs recettes de « pommes artificielles » ; la première très onéreuse est destinée au roi, mais une autre tient compte de la cherté de l’ambre gris ; la préparation semble conserver le nom de « pomme ».

Recette de la pomme d’ambre – Consultation sur l’épidémie faite par le collège de la faculté de médecine de Paris en 1348 pp 136,137 https://archive.org/details/BIUSante_70399/page/n79/mode/2up
Recette de la pomme d’ambre Consultation sur l’épidémie faite par le collège de la faculté de médecine de Paris en 1348 pp 138,139 https://archive.org/details/BIUSante_70399/page/n79/mode/2up

 

 

Quelques collections de bijoux « pommes d’ambre »

 

– recherche dans la collection du  V&AM

– recherche dans la collection du Rijksmuseum

– recherche dans la collection du MET

– recherche dans les lots vendus chez Sotheby’s

 

Et voilà pour ce tour d’horizon des connaissances facilement accessibles à propos des pommes d’ambre. Il s’agit de pistes d’enquêtes : il ne tient plus qu’à vous d’explorer les différents articles, ouvrages, sites, musées, afin de vous forger votre propre opinion en commençant par cette trentaine de liens (l’habitude ici étant à la transparence, en fournissant un maximum de « sources » vérifiables, et en encourageant chacun à aller les explorer sol-même, voire même à les comprendre différement, plutôt qu’asséner des affirmations tirées du chapeau).

Bonnes enquêtes à tous et que vos lectures soient fructueuses ! 🙂

 


Linographie sélective

Certains billets de blogs que vous livrera Goggle en recherchant « pomme d’ambre + pomander » ont été délibérément écartés en raison de leur parti pris trop obtus, d’imprécision ou d’une rédaction par trop hasardeuse (voire les trois à la fois pour un en particulier). Tous les liens ont été vérifiés le 12 avril 2020.

– Blog. « Le parfum du phénix : histoire des pommes de senteur »  https://www.mariellebrie.com/le-parfum-du-phenix-histoire-des-pommes-de-senteur/

– Blog. « Un bijou insolite dans la peinture » http://enigm-art.blogspot.com/2011/05/un-bijou-insolite-dans-la-peinture.html

– Blog. https://www.livemaster.ru/topic/2377675-pomander-ot-proshlogo-do-nastoyaschego

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  Albe, Edmond. Autour de Jean XXII, la cour d’Avignon. In : Bulletin de la Société des études littéraires, scientifiques et artistiques du Lot. 1914.pp 81-103 page 101 et page 102

– Bapst, Geramin. Testament du roi Jean le Bon et inventaire de ses joyaux à Londres, publiés d’après deux manuscrits inédits des Archives nationales. 1884.. pages 39

– Bibliothèque de l’Ecole des Chartes. Inventaire des biens de Charlotte de Savoie (1483). In Bibliothèque de l’Ecole des Chartes, revue d’érudition spécialement consacrée à l’étude du Moyen Âge,  vingt-sixe année, tome premier, sixe série. 1865. https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k12400r .
L’inventaire est en deux parties : pp 339 à 366 puis pp 423 à 442.

– De Wailly, Natalis. Préface du XXIIe volume des Historiens de France. In: Bibliothèque de l’école des chartes. 1865, tome 26. pp. 89-113.
www.persee.fr/doc/bec_0373-6237_1865_num_26_1_445992

– Douët-d’Arcq, Louis. Choix de pièces inédites relatives au règne de Charles VI ( 1368-1422) : publiées par la Société de l’histoire de France. Tome second. 1864. p 293, art. 62 (chapitre « inventaire des joyaux de la couronne en 1418 ») http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k953674

– Douët-D’Arcq, Louis. « Inventaire après décès de Clémence de Hongrie » (1328). In : Nouveau recueil de comptes de l’argenterie des rois de France / publ. pour la Société de l’histoire de France. 1874.  p80 https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k2063860

– Douët-D’Arcq, Louis. Inventaire des meubles de la reine Jeanne de Boulogne, seconde femme du roi Jean (1360). Paris. 1879. Page 15

– Guiffrey, Jules. Inventaires de Jean, duc de Berry (1401-1416). Tome 1.1894-1896. https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6322604t/f9.item

– Guigue, Georges. Olivier de la Haye, Poème sur la grande peste de 1348. Publié d’après le manuscrit de la bibliothèque du palais Saint-Pierre. 1888. https://archive.org/details/pomesurlagrand00laha/page/146/mode/2up/search/pomme 

– Guizot, François. Histoire des Croisades par Jacques de Vitry in : Collection des mémoires relatifs à l’histoire de France: depuis la fondation de la monarchie française jusqu’au 13e siècle; avec une introduction, des suppléments, des notices et des notes. . 1824.  page 380

– Havard, Henry. Dictionnaire de l’ameublement et de la décoration : depuis le XIIIe siècle jusqu’à nos jours. tome IV, P-Z , pages 483-484 et  pages 484-485

– Julien, Pierre. Les pommes de senteur ou pommes d’ambre : Renate Smollich, Der Bisamapfel in Kunst und Wissenschaft. In: Revue d’histoire de la pharmacie, 73ᵉ année, n°265, 1985. pp. 188-190. www.persee.fr/doc/pharm_0035-2349_1985_num_73_265_2387_t1_0188_0000_1

– Labarte, Jules. Inventaire du mobilier de Charles V, roi de France. 1879.  https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k114570g  

– Langlois, Ernest. « Le roman de la rose. T. 5. – 1924 / par Guillaume de Lorris et Jean de Meung ; publ. d’après les ms. »  page 106

– Le Guerer, Anninck . « Le parfum et la chair »  https://journals.openedition.org/terrain/4257 ou https://books.google.fr/books?id=Ts29tVT3EnsC&pg=PA69#v=onepage&q&f=false

– Molinier, Émile. Inventaire du trésor du Saint-Siège sous Boniface VIII (1295) (suite). In: Bibliothèque de l’école des chartes. 1882, tome 43. pp. 626-646. www.persee.fr/doc/bec_0373-6237_1882_num_43_1_447088

– Moranvillé, H. Inventaire de l’orfèvrerie et des joyaux de Louis Ier, duc d’Anjou. Fascicule 1 . 1903. pages 591-592

– Prou, Maurice. Inventaire des meubles du cardinal Geoffroi d’Alatri (1237). In: Mélanges d’archéologie et d’histoire, tome 5, 1885. pp. 382-411. www.persee.fr/doc/mefr_0223-4874_1885_num_5_1_5921 

– Rébouis, H.-E.  Consultation sur l’épidémie faite par le collège de la faculté de médecine de Paris en 1348. In : Étude historique et critique de la peste, Paris, A. Picard. 1888. p 45 et suivantes  https://archive.org/details/BIUSante_70399/page/n51/mode/2up

– Société historique d’Auteuil et de Passy. Histoire de l’abbaye royale de Longchamp in Bulletin de la Société historique d’Auteuil et de Passy. 1904. p 161

– Texier, Jacques. Troise et dernière encyclopédie théologique, ou Troise et dernière série de dictionnaires sur toutes les parties de la science religieuse, offrant en français et par ordre alphabétique la plus compléte des théologies….. 1857. Page 83 https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5861095c/f49.image

– Trélat, Philippe. Le goût pour Chypre. Objets d’art et tissus précieux importés de Chypre en Occident (XIIIe-XVe siècles). In: Cahiers du Centre d’Etudes Chypriotes. Volume 43, 2013. pp. 455-472. www.persee.fr/doc/cchyp_0761-8271_2013_num_43_1_1079

 


Bibliographie (non disponible en ligne)

– Smollich (Renate) : Der Bisamapfel in Kunst und Wissenschaft. — Stuttgart, Deutscher Apotheker Verlag, 1983, in-8°, (9)-342 p., 121 ill. (Quellen und Studien zur Gesch. der Pharm., 21). DM 58 
(épuisé, introuvable, non consulté)

– Launert, Edmund. Scent & Scent Bottles. ed° Barrie & Jenkins (1974)

– Bimbenet-Privat Michèle. Bijoux de senteur. In : Le bain et le miroir (catalogue d’exposition ), 2009, pp. 323-237, ed° Gallimard, ISBN 978-2-07012454-1

 

Notes

Notes
01, 08, 09, 10, 12, 13, 16, 17, 19, 21, 37, 40 voir le § linographie
02 https://fr.wikipedia.org/wiki/Ambre_gris
03 https://fr.wikipedia.org/wiki/Pomme_de_senteur
04 https://en.wikipedia.org/wiki/Pomander
05 https://en.wikipedia.org/wiki/Pomander#/media/File:Pomander_1518.jpg
06 il en existe un exemplaire bien antérieur, daté ca. 1350, au VAM
07 Musée du Moyen Âge de Cluny https://www.photo.rmn.fr/archive/17-634973-2C6NU0AKG7UVN.html
11 https://fr.wikipedia.org/wiki/Si%C3%A8ge_de_Damiette_(1218)
14 non ext = non estimé. Estimé s’écrit parfois extimé
15 En 1294, il ne peut s’agir que d’Alienor d’Aquitaine
18, 38 http://collections.vam.ac.uk/item/O105969/ball-for-musk-unknown/
20 ce qui a  précédemment conduit à un placement mécanique dans le mauvais paragraphe ici-même.
Mauvais ? Quoi que…
Voici un bijou promu au rang de relique, probablement en vénération de la fondatrice de l’abbaye (la sœur de saint Louis, Isabelle de France), les trois objets – et non un seul – lui ayant probablement appartenu, raison pour laquelle ils figurent dans la même entrée d’inventaire. Si c’est le cas, alors cette pomme devra rechanger de paragraphe car Isabelle, fondatrice mais qui n’a jamais été nonne elle-même, est morte en 1270 (et s’il s’agissait de la pomme repérée par Wailly dans les comptes de saint Louis ?^^).
En attendant, il n’y a rien d’étonnant à ce que des objets profanes luxueux se retrouvent dans des trésors d’églises même monastiques, les dons aux églises, aux monastères et aux abbayes étaient fréquents et Isabelle aurait pu l’offrir en arrivant.
Oublions les suppositions, observons les faits : un bijou de type « étui de parfum solide » était dans les murs en 1325, qui que ce soit qui l’ait offert et quel qu’ait été son utilisation une fois offert.
22 voir bibliothèque de liens
23, 24, 25, 26, 30, 33 voir linographie
27 lacet
28, 29, 32 rubis
31, 34 musc
35 item 2853 https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k114570g/f336.item
36 item 2719 https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k114570g/f325.item
39 voir § linographie
41 Philippe VI

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