Aisance et ampleur des vêtements

Une seule ampleur pour tous ?

 

«Ampleur [ãplœ:ʀ] : caractère de ce qui est ample[01]http://www.cnrtl.fr/definition/ampleur (à ne pas confondre avec amplitude[02]http://www.cnrtl.fr/definition/amplitude ) ».

Les vêtements remplissent plusieurs fonctions : notamment, ils protègent des intempéries, éventuellement du regard et ils affirment l’appartenance à un groupe.

Si vous travaillez, ils doivent aussi être fonctionnels : une bergère qui surveille ses brebis n’a pas les mêmes besoins en terme de mobilité qu’une oisive qui se contente de donner des ordres à des serviteurs. Pour la première, une robe qui traîne sur sol ne sera qu’un embarras de tissus ramassant les ronces et les brindilles. Pour la dernière, l’étoffe excédentaire pourra être une manière d’affirmer qu’elle peut se permettre de gaspiller et d’user du tissu, tout en maintenant ses pieds et ses mollets à l’abri des courant d’air des vastes demeures mal isolées et mal chauffées.

Certes, il s’agit de deux situations extrêmes, mais qui ont néanmoins coexisté. Cette coexistence est également une raison pour laquelle personne ne peut se permettre d’édicter une règle universelle valable en tous lieux pour toutes activités (même en restreignant à une période donnée). Comment affirmer que la mode qui prévaut à la cour du nobliau local a du sens pour les cultivateurs près du bourg ou pour les artisans travaillant en ville ?

 

Recoupons les informations

En l’absence de textes clairs s’appliquant à tous, s’il ne nous reste que quelques directives moralisatrice[03]tels ces conseils d’un vieil époux parisien à sa jeune épouse dans le Mesnagier de Paris à la fin du XIVe s., nous avons en revanche de nombreux témoignages visuels sous forme de sculptures ou de peintures, ainsi que quelques vêtements issus de tombes ou conservés en tant que reliques.

Il s’agit ensuite de regrouper, de rapprocher, les témoignages visuels avec les artefacts, période par période, région par région (ou influence par influence : des cours géographiquement éloignées peuvent se trouver très proches d’un point de vue de la mode, à cause des mariages stratégiques et des cortèges de personnes déplacées à ces occasions).

 

Etudions les modèles

Les sculptures, peintures ou dessins sélectionnés devront être pertinents, il faut savoir éviter les scènes et les personnes stéréotypées.  Par exemple, les vêtements de Jésus sont stéréotypés et ne sont pas réactualisés à la mode contemporaine de l’artiste. Marie est également stéréotypée et ne peut pas souvent servir de modèle (en revanche, ses servantes sont très souvent «actualisées»,  même si elles sont parfois dotées de quelques détails « antiques » ou reflétant l’origine orientale des héros).

La circonspection prévaut également envers beaucoup de représentations de saints martyrs : mieux vaut privilégier les personnages profanes dans des scènes religieuses. Concernant les scènes profanes, il convient encore de  choisir avec discernement : parfois le texte illustré est très directif et décrit très précisément la tenue, la parure, l’aspect des héros et ce, indépendamment de l’époque à laquelle le peintre va illustrer la scène. Nous voyons donc que dans tous les cas, il est nécessaire de se renseigner au maximum sur le contexte illustré et de ne conserver que les parts les plus « neutres ».

Concernant les artefacts, nous écarterons la plupart des vêtements typiquement liturgiques (aube, dalmatique, chasuble…) et nous n’oublierons pas de resituer les objets dans leur contexte (tombes de villageois, paysans, nobles…). Ces précautions rendront très délicats l’examen et la prise en compte des robes des saints d’Assise…

 

Quelle quantité de tissu me faut-il ?

Hé bien comme dans l’histoire du fût du canon qui doit refroidir, tout dépend…

Nous allons évaluer plusieurs cas. Commençons par repérer des artefacts de vêtements presque complets puis nous les confronterons avec des représentations contemporaines. Il faudra également tempérer les indications retrouvées : les comptes et inventaires royaux risques d’être de peu d’utilité pour évaluer la quantité d’étoffe requise pour la tunique d’un paysan.

Même dans le cas de trouvailles archéologiques, nous n’avons que rarement la mention de taille du porteur des vêtements.
Le plus souvent, nous n’avons que les mesures des vêtements à plat (une même tunique, sur deux personnes de même stature mais de corpulence différente, tombera plus bas chez la personne la plus mince) et nous ignorons à quelle distance du sol l’ourlet se trouve.

Pour les robes longues (et elles seules), en partant de l’idée que l’ourlet touche le sol, nous pouvons nous contenter d’estimer que le sommet du crâne d’un individu se trouve environ à 25-27cm au-dessus de sa ligne d’épaules. Ou nous pouvons essayer d’évaluer plus précisément sa taille, en utilisant la proportion classique « huit hauteurs de tête dans un homme ».[04]Il est possible de faire une évaluation en se basant sur les proportions les plus communément admises. Si l’on connaît la longueur du vêtement L et que l’on admet qu’il touchait le sol, on peut déduire la taille de l’individu.

La stature S d’un humain est environ 8 fois celle de sa tête T (du haut du crâne au menton) : S = 8 * T. 
La ligne de ses épaules E se trouve environ 1/3 de tête plus bas que le menton, donc : E = 20/3 * T . Pourquoi  20/3 ? Parce que 8 (total) -1 (tête) -1/3 (cou) donne 7-1/3 = 21/3 -1/3 = 20/3 = 1,2.
Ce qui permet de déduire la taille relative et approximative de la tête du porteur :  T = E * 3 / 20.
Il suffit ensuite de remultiplier par 8 et on obtient la stature S = 8 * 3/20 *E = 1,2 * E

La mesure L est prise au point le plus haut, vers le cou. La ligne des épaules E est légèrement plus basse, mais nous pouvons raisonnablement nous contenter de retirer 2 cm à L pour obtenir E.

Exemple :
Soit un vêtement de 167 cm de long mesuré à plat. On peut retrancher au moins 3 cm pour prendre en compte le volume du corps humain, et retrancher 2 pour descendre à la ligne d’épaules et considérer E = 162 cm.
H = 162 + 25 = 197 cm en calcul rapide.
Ou bien E = 162 et  H  =1,2 *162 = 194,4 cm.
Si l’ourlet ne doit que frôler le sol, le porteur doit être plus grand que François 1er… De fait, un vêtement d’une hauteur de 167 cm devait bien traîner par terre sur une femme…

Dans les rares cas où la taille du porteur a pu être définie on peut déduire quelles proportions de mesures choisir pour soi-même et, selon le modèle choisi, définir l’ampleur à l’ourlet. Le théorème de Thalès vous aidera également à ajuster la distance au sol de l’ourlet en fonction de votre propre taille, afin que l’ensemble ressemble à l’original ; et grâce à lui, vous avez bien compris que plus vous serez grand, plus grande l’ampleur sera à l’ourlet.

Une autre possibilité d’évaluation sans calcul, applicable à un vêtement étalé bien à plat, est de comparer la hauteur et la largeur. Si la largeur en bas est comparable à la hauteur, et que la hauteur est connue, on peut se dire que la circonférence en bas est de l’ordre de 2 * π * hauteur. Ce n’est pas précis, cela ne tient pas compte de courbure du léger arc de cercle, mais cela aide à fixer les idées.

1. D’après les fouilles du Groenland

La plupart des tuniques et robes retrouvées au Groenland (Moselund, Kregelund…) par Poul Nørlund[05]« Buried Norsemen at Herjolfsnes: An Archaeological and Historical Study », In Meddelelser om Grønland. København, 1924. 28 cm. bd. LXVII, p. [1]-[270] illus. (incl. map) fold. plan, diagrs Meddelelser om Grønland, Denmark Kommissionen for videnskabelige undersøgelser i Grønland, ISSN 0025-6676[06]compte rendu de lecture dans Persee  ;  description/vente ici et étudiées par Else Østergård[07]https://unipress.dk/udgivelser/w/woven-into-the-earth/ sont constituées de panneaux rectangulaires dans lesquels et autour desquels sont cousus des panneaux « triangulaires »[08]les goussets sont parfois trapézoïdaux, voire irréguliers pour ajouter de l’aisance. Les datations (au carbone 14) couvrent une large période et varient entre 1050 et 1450 ap. J.C. Il ne s’agit pas de tombes royales ni de tombes de haut dignitaires mais plutôt de gens du peuple.

Une seule tunique d’homme (plus courte) particulièrement ample [09]identifiée sous la référence D10583 a été mesurée à 425 cm de circonférence à l’ourlet. C’est la seule tunique courte aussi ample, elle n’est pas datée avec précision (elle est probablement de la fin du XIVe s.), mais cette exception a surpris et a été mentionnée dans l’ouvrage.

Pour les femmes, avec des longueurs entre 123 cm[10]1,2 * 121 = 145,2 et 143 cm[11]1,2 * 141 = 169,2 , si l’on inclue le port d’une ceinture, les robes ne trainent pas tant que cela sur le sol. Il faut également considérer qu’il s’agit de mesures à plat, le rendu sera différent en 3D : l’ourlet sera un peu plus loin du sol.

Les propositions de reconstructions de Fransen, Noorgaard et Ostergaard[12]https://books.google.fr/books/about/Medieval_Garments_Reconstructed.html utilisent des lés de 80 cm ou de 140 cm de large. Sans surprise, les goussets sont proposés taillés tête-bêche dans des rectangles de la largeur du lé : deux panneaux centraux + 4 panneaux à insérer, ce qui donne environ 2 x 80 cm + 2 x 70 cm , soit environ 300 cm à l’ourlet pour des vêtements d’environ 110 à 120 cm de long. On peut résumer la largeur du panneau principal à 60 cm aux épaules et environ 80 cm en bas. La circonférence à l’ourlet, estimée d’après les patrons de reconstruction proposés, est au maximum d’environ 330 cm pour celle[13]identifiée sous la référence D10580, ca 1380-1530 présentant le plus grand nombre de godets. Il est à noter que les vêtements les moins endommagés qui ont encore leur ourlet sont aussi longs devant que derrière.

Quelques mesures de vêtement retrouvés à Herjolfnes, majoritairement évalués seconde moitié XIV° s. sont disponibles en ligne depuis très longtemps à cette adresse : les relevés ne signalent pas d’ourlet de plus de 425 cm de circonférence, pour 120 cm de longueur de robe [14]référence n°42 (310 cm pour 115 cm de long[15]référence n°37, 277 cm pour 108 cm de longueur [16]référence n°33-34, 325 cm pour 117 cm de longueur [17]référence n°45 ).

 

2. D’après des trousseaux funéraires espagnols du XIIIe siècle

  • 2.1 Aliénor de Castille, reine d’Aragon (1202-1244)

Aliénor de Castille, reine d’Aragon, fille d’Alphonse VIII de Castille & Léon avec Aliénor d’Angleterre (Plantagenet) ; Aliénor (ou Leonor ou Leonora), née en 1202, fut reine jusqu’à l’annulation de son mariage en 1229 d’avec Jacques 1er d’Aragon. Morte en 1244, elle a été inhumée au monastère de las Huelgas. Son trousseau funéraire (ainsi que celui de l’infant Ferdinand de la Cerda) est exposé au monastère.

 

Fig. 1
Fig. 1 – Pellote –  Photo Patrimonio Nacional

La pellote (fig. 1), qui est une sorte de surcot sans manche largement échancré vers les hanches, était doublée de lapin (c’est le fragment que nous voyons en bas à gauche fig. 1). Le site Patrimonio Nacional donne comme dimensions de la pellote : L x l = 167 x 86 cm, c’est à dire 2 x 86 = 172 cm de circonférence au sol. Le dos et le devant ont apparemment la même longueur[18]et nous avons calculé plus haut que la porteuse aurait du dépasser 1,94 m pour que la robe touche le sol ; ici, elle bouillonne aux pieds, c’est certain, et doit être relevée à la min pour pouvoir se déplacer : elle n’est déjà pas large en bas, elle le sera encore moins 30 cm au-dessus. La saya encordada (fig. 2), une cotte sans manche, lacée d’un côté, portée sur la chemise et sous le surcot, est réalisée dans la même étoffe que la pellote. Il s’agit d’un lampas en soie et fil d’or.

Fig. 2 – Saya encordada. Photo Museo de Burgos

Sur la pellote (fig. 1), on remarque une particularité liée aux motifs : bien que le tailleur se soit appliqué, sur le devant, à faire coïncider l’ultime rayure (ou la première en partant du sol), on observe un décalage que le tailleur n’a pas essayé de masquer. Il y a au moins deux causes possibles, qui ne s’excluent pas et qui peuvent se combiner : – le fait que le gousset soit coupé en triangle avec au moins un bord dans le biais du tissu déforme les motifs. – le fait que le meilleur tisserand ne répètera pas des motifs strictement de la même hauteur (la régularité absolue ne viendra qu’avec l’industrialisation et l’automatisation, et encore…).

Les goussets latéraux semblent composés de deux triangles rectangles réunis ensemble sur le droit fil, et donc rattachés au panneau central selon leur hypoténuse (et le motif coupé en biais). On remarque que sur la couture latérale, à peine visible à droite et unissant deux goussets latéraux, les rayures coïncident parfaitement sur le droit fil ; soit il s’agit d’une fausse couture pour équilibrer l’aspect d’un gousset isocèle, soit les deux bords en question suivent bien le droit fil et les motifs étaient réguliers (ou bien ils ont été prélevés au même niveau de la trame).

Si le tailleur avait voulu prolonger les rayures de part et d’autre des panneaux centraux, il aurait du assembler le bord droit de chaque triangle de gousset au panneau central (dos et devant), puis réunir les goussets par leur hypoténuse. Ce n’est pas le choix qui a été fait.

Fig. 3 – Détail de la pellote. Photo Musée de Burgos

L’avantage d’avoir l’hypoténuse sur les flancs est que le motif se prolonge naturellement autour des panneaux centraux. Une telle couture en biais à biais est souple, et le tissu ne sera pas tendu, il ne sera pas rigidifié par la couture ; cela peut être un avantage autant qu’un inconvénient. Cela peut être un avantage sur un vêtement complet, qui deviendra un peu élastique et souple sous les manches, mais ce sera un inconvénient sur ce type de vêtement évidé sur les flancs, qui va s’affaisser.

Le tailleur a peut-être préféré la tenue et le rendu de structure au rendu visuel (même en considérant que le vêtement en question sera doublé par de la fourrure qui va rigidifier).

Ce qui passe à nos yeux pour de l’économie et de l’indifférence à l’esthétique est peut-être bien dicté par la structure du vêtement. Vu que les bords en droit fil coïncident proprement, vu que la rayure proche de l’ourlet est soigneusement continue, nous penchons pour une motivation liée à la tenue de l’étoffe, car un ajustement fin existe sur les côtés et l’on s’est appliqué à respecter la rayure proche de l’ourlet : on n’a donc pas totalement négligé les motifs sur ce vêtement. A notre avis, il ne fait aucun doute que telle était bien l’intention du tailleur, même en considérant l’intervention du restaurateur qui a remonté (et peut-être réassemblé ?) le vêtement.

  • 2.2 Henri I  de Castille (1204-1217)

Fils d’Alphonse VIII et d’Aliénor Plantagenêt (fille d’Henri II), frère de la reine Aliénor, héritier du trône, il ne règnera pas.

 

Fig. 4 – Pellote de Henri I – Photo : Patrimonio Nacional
Fig. 5 – Eglise santa Maria de Terrassa. Photo : Enfo, CC BY-SA 3.0, via Wikimedia Commons

La pellote de Henri I (fig. 4) [19]pellote de Henri I https://www.patrimonionacional.es/colecciones-reales/indumentaria/pellote-del-rey-enrique-i  et fiche pdf ici : https://www.patrimonionacional.es/print/pdf/node/482 est plus décorée que les autres pellote de Burgos.

Les appliques sont en cuir doré. La longueur de ce vêtement est de 133 cm et il est large de 51 cm : la circonférence d’environ 100 cm n’est encore pas extraordinaire. Cette pellote aussi était fourrée de lapin.

Le même problème de biais déformant les lignes se pose pour les panneau latéraux, au moins le tailleur a-t-il tenté d’avoir les rayures sinon jointive, du moins à peu près au même niveau.

Ce sont peut-être des rubans de cuir similaires qui ornent le col et les emmanchures brillantes des musiciens des Cantigas de santa Maria (fig. 12) ainsi que le joueur qui se défait de sa pellote  sur la miniature du folio 67v du Le livre de Jeux, Ms. T-I-6 (fig 6).

Cette étoffe rouge à fines rayures jaunes montre aux sceptiques que les enlumineurs et peintres n’étaient pas tout à fait déconnectés de leur réalité : on retrouve ce motif au moins sur un cavalier dans une peinture du Livre des Jeux (fig. 6) et sur deux statues polychromes d’un groupe de la Descente de la Croix (probablement Nicodème et Joseph d’Arimathie), à la fondation Godia à Barcelone(c’est une photo flickr non libre de droits, cliquez sur le lien pour la voir sur flickr). Les amateurs de rayures trouveront abondance de représentation dans un ouvrage aragonnais, le Liber Feudorum Ceritaniae [20]conservé aux archives de la couronne d’Aragon Arxiu de la Corona d’Aragó (Cancelleria Reial, reg. No. 4) http://pares.mcu.es/ParesBusquedas20/catalogo/description/1931494  : fines rayures rouges sur fond jaune uni, doubles fines rayures rouges sur fond jaune uni, rouge sur bleu à motif…)

Quant aux crénelages [21]ou lambrequins sur la pellote, ainsi que la même idée d’étoffe rouge à fines rayures horizontales, ils sont comparables à ceux des tuniques (et non des pellotes)de la fresque de l’assassinat de Thomas Beckett sur une peinture murale dans l’église Santa Maria à Terrassa (fig. 5).

Fig. 6 – Bibliothèque de l’Escurial (Madrid), Le livre de Jeux, Ms. T-I-6, folio 67v. Photo  Patrimonio Nacional RBME

 

  • 2.3 L’infante Aliénor de Castille (1256 -1275)

L’infante Aliénor de Castille (Doña Leonor), fille d’Alphonse X « le Sage » et de la fille de la seconde femme du mari de l’Aliénor de Castille inhumée en 1244 (elle n’est pas la descendante de la reine Aliénor), est née en 1256, morte en 1275 et a été inhumée au monastère de Burgos .

Fig. 7 – Une partie du trousseau funéraire de l’infante Aliénor de Castille exposé au monastère saint Dominique de Caleruega Photo : http://noticiasburgos.com

La saya encordada (cotte sans manche, lacée) (fig. 7) semble très longue. Sa projection supposée après restauration (le bas du vêtement est vraiment endommagé) ne présente pas non plus une ampleur au sol extravagante si, à défaut d’en connaître les dimensions, on l’évalue par rapport aux spectateurs devant la vitrine : plus de 2 mètres de diamètre mais probablement guère plus de 3,5 à 4 mètres de circonférence. Pourtant, mécaniquement (ou plutôt géométriquement[22]nous ne voulions casser les pieds de personne en rappelant le théorème de Thalès mais puisque le sujet est sur le tapis, c’est bien de cela qu’il s’agit, en allongeant la longueur et en gardant la même diagonale on augmente la circonférence au sol. Le mauvais état général ne permet pas de savoir si l’arrière était plus long que le devant, mais c’est encore une fois très peu probable. La saya est en soie et coton, elle était doublée de peaux de lapin et le lacet est en lin et la chemise en lin très fin[23]https://www.diariodelaribera.net/hemeroteca/comarca/la-vestimenta-de-la-infanta-leonor-queda-expuesta-en-el-monasterio-de-las-dominicas-de-caleruega/.
Pour une fois, nous disposons de mesures de squelette et de l’évaluation de la stature de la défunte : entre 169 et 174 cm. Elle est morte vers 16 ou 17 ans.

Voir aussi ici : https://www.canalpatrimonio.com/el-ajuar-funerario-de-la-infanta-leonor-de-castilla-del-siglo-xiii/

 

  • 2.4 Ferdinand de la Cerda (1255 -1275)

L’infant Ferdinand de la Cerda, prince héritier de Castille et León, était le fils aîné du roi Alphonse X de Castille (1221-1284) et de Yolande d’Aragon (1236-1300), c’est un frère de l’infante Aliénor de Castille.

La pellote (fig. 8) de Ferdinand de la Cerda, réalisée dans le même tissu que la saya (fig. 9),  mesure 130 cm de haut sur 100 cm de large. Elle était fourrée de peaux de lapin.

Fig. 8 – La Pellote de Ferdinand de la Cerda (1255-1275). Photo : Patrimonio Nacional

 

L’étoffe tissée sur mesure[24]il s’agit des armes de Castille & Léon : un château et un lion, visibles aussi sur la toque brodée : https://www.patrimonionacional.es/colecciones-reales/indumentaria/birrete-de-don-fernando-de-la-cerda (fig. 9) de cet ensemble (saya, fig. 10 et pellote, fig. 8) est un brocart de soie avec des fils d’or et d’argent.

C’est peut-être ce type de tissu qui est représenté sur les souverains dans le Livre de jeux, ms. T.I.6 de la bibliothèque de l’Escurial (fig. 11, 11bis). Un autre exemple que les peintres ne font pas qu’inventer des motifs  fantaisistes pour leurs illustrations ?

Sur la pellote (fig. 8),  on ne distingue pas d’erreur d’orientation grossière même si un des goussets devant est un véritable patchwork. On peut supposer que pour une telle étoffe armoriée, si personnalisée, l’économie ait prévalu sur l’esthétique.

Figure 9 – Etoffe armoriée. Photo : musée de Burgos
Fig. 10 – Saya (tunique) de Ferdinand de la Cerda (1255-1275) . Photo : musée de Burgos

Si le tailleur ici a bien pris soin d’orienter les armoiries verticalement devant ainsi que sur les bras, on devine toutefois que le gousset avant droit (à gauche sur la photo) de la saya (fig. 10) présente les boucliers à l’envers (le bas en haut).

Sur ces deux  artefacts (fig. 8, fig. 10), les goussets ajoutés de part et d’autre de l’ouverture frontale sont bien arrondis à l’ourlet et ne pendouillent pas au centre. Sur certaines illustrations, ces pans sont mal arrondis et forment des pointes qui rebiquent vers le bas, laissant penser que le vêtement est en fait fendu (peut-être pour faciliter la tenue en selle) ou peut-être mal fini.

On notera également les curieuses emmanchures carrées, qui empiètent en pointe loin vers le centre sur torse de la saya.

 

Figure 11 – Madrid, Bib. de l’Escurial, Livre des jeux, ms. T.I.6 , folio 65r. Photo Patrimonio Nacional – RBME
Figure 11bis – Madrid, Bib. de l’Escurial, Livre des jeux, ms. T.I.6 , folio 1r. Photo Patrimonio Nacional – RBME
Fifure 12 – Bibliothèque de l’Escurial , Cantigas de santa Maria – MS B.I.2 dit «codex des musiciens », f.147r. Photo Patrimonio Nacional – RBME 

  • 2.5 Teresa Gil

Observons à présent la robe de Teresa Gil, inhumée en 1307. L’étoffe est assez bien conservée. Le vêtement est présenté sur un mannequin, en 3D. La photo à cette adresse étant sous copyright, vous ne la verrez qu’en  cliquant pour vous rendre chez l’hébergeur : https://www.flickr.com/photos/ipomar47/41541319372.  La robe semble longue, elle traine sur le sol, mais sa circonférence à l’ourlet n’est pas extraordinaire. Sur une photo du vêtement présenté à plat, la demi circonférence ne semble pas excéder la hauteur de la robe, ce qui, encore une fois, donnera quelque chose comme entre 350 et 400 cm de circonférence. Le bas de la robe semble bien conservé, suffisamment en tout cas pour que l’on puisse constater qu’il est correctement arrondi et ne présent pas de pointe disgracieuse vers le sol au niveau des goussets latéraux.

3. D’après la Tunicella de couronnement de Roger II de Sicile

 

Fig. 13 – Blaue Tunicella – Tunique de couronnement – Photo Kunsthistorisches Museum Wien, Weltliche Schatzkammer

Il s’agit de vêtir un empereur le jour de son couronnement, la tunique (fig. 13)  est vraiment très ouvragée avec abondance de perle et fil d’or sur du samit (du satin de soie)[25]satin : https://textileaddict.me/larmure-satin/. En tant qu’élément du trousseau de couronnement des empereurs du saint Empire Germanique, elle est conservée à Vienne en Autriche.

Le cartel du musée dit  «Maße L. 141,5 cm, B. 171,5 cm » : hauteur 141,5 cm, et largeur à plat 171,5 cm.

Ce qui donne une circonférence d’à peu près 340 cm.

Bien que vêtant un empereur, l’ampleur à l’ourlet n’est  pas extravagante, étant donné que ce vêtement est une robe longue.

L’ourlet est bien arrondi, bien droit, le bas de la robe tombe en corolle ; en bas, la distance au sol est constante, l’ourlet ne montre pas de pointe disgracieuse vers le sol aux niveau des godets.

4. D’après les reliques d’Assise

Les restes de vêtements de saint François et sainte Claire sont difficiles à exploiter. En tant que vêtements d’usage, ils apportent des informations à propos des méthodes de coupes et de couture, mais en tant qu’uniformes religieux, il est délicat de les intégrer au corpus comme artefact signifiant.

  • 4.1 Sainte Claire(1194 -1253)
 
Fig. 14 – Robe relique d’ Assise. Photo : Villaggio medievale

Sainte Claire d’Assise est née en 1194 et morte en 1253. Ce vêtement (fig. 14) est conservé au Protomonastero di Santa Chiara. En tant que relique, ce vêtement n’est pas complet : il a été démantelé, probablement pour satisfaire la dévotion des fidèles de la sainte, il y a de gros manques dans le bas du vêtement et une bonne partie de la manche droite a disparu.

L’état de conservation nous permet de dire que ce vêtement a été rapiécé au cours de sa vie mais il semble délicat de se prononcer sur le léger décalage que l’on perçoit entre l’avant et l’arrière (une douzaine de centimètres d’écart).

Bien qu’un point de feston assez grossier, peu soigné, soit très visible et, bordant l’étoffe résiduelle en bas, semble servir d’ourlet, il est plutôt difficile, seulement sur des photos de déterminer si ce point de stoppage est antérieur ou postérieur au prélèvement de reliques ; ce point de feston n’aide pas à déterminer si le décalage entre le devant et le derrière de la robe est de la volonté du tailleur ou bien s’il doit être associé au démantèlement ultérieur de la robe.

Cela a peut-être été étudié lors de la campagne de restauration mais il faudrait disposer du rapport associé (et pouvoir le produire comme preuve). Concernant l’ampleur probable du vêtement complet,  nous n’arrivons toujours pas une circonférence extravagante : visiblement,  l’arc de cercle du vêtement à plat (complété) est inférieur à la hauteur du vêtement. Même si la hauteur atteint 180cm, cela ne donnera jamais qu’une circonférence de moins de 400 cm. Les représentations de la sainte  dans ses habits de clarisse montrent un bouillonné d’étoffe sur ses pieds, mais toutefois assez ramassé : il s’agit de l’excédent d’étoffe en longueur, mais pas d’un excédent d’étoffe en largeur.

 

Fig. 15 – Chapelle Bardi, Photo Giotto, CC0, via Wikimedia Commons
Fig. 16 – Basilique sainte Claire, Maître de sainte Claire, Assise (Italie). Photo I, Sailko, CC BY-SA 3.0, via Wikimedia Commons
Fig. 17 – Sainte Claire à gauche, Chapelle Saint Martin, église inférieure Saint François, Assise (Italie) Photo Public Domain via wikimedia commons

 

Trois représentations de sainte Claire : imaginée par Giotto en 1318 dans la chapelle Bardi à Florence (fig. 15), en 1283 par le Maître de sainte Claire, dans la basilique sainte Claire à Assise (fig. 16) et Sainte Claire (à gauche) imaginée par Simone Martini vers 1317 (fig. 17) dans la chapelle Saint Martin, église inférieure Saint François, Assise. Elle est revêtue de l’habit des clarisses tel qu’elle l’a initié et tel qu’il s’est imposé.

 

  • 4.2 saint François (1181- 1225)

On attribue à saint François d’Assise au moins trois robes reliques (Assise, Cortone et Florence), dont au moins une lui est postérieure (celle de Florence)[26]https://www.livescience.com/1855-tunic-worn-saint-francis-identified.html. Elle ne sont pas complètes et aucune ne gaspille de tissu en ampleur démesurée à l’ourlet.

Figure 18 – Robe relique de saint François à Cortone. Photo : Live Science

Il existe également une aube, attribuée au saint et réputée avoir été cousue par Claire elle-même. Ce vêtement, destiné à quelqu’un de bien plus grand que saint François (dont la taille était inférieure à 160 cm), est effectivement très ample, avec une circonférence probablement [27]le vêtement est présenté sur un mannequin, on ne peut qu’extrapoler au vu du plissage des godets latéraux incroyable. Mais cette aube est un vêtement liturgique, respectant un code et des prescriptions qui ne s’appliquent pas aux habits profanes. Par exemple, l’ourlet n’est pas arrondi et l’ourlet des godets latéraux tombe en pointe,  bien plus bas que celui du  panneau central. On peut admirer cette aube grâce aux splendides albums flickr d’Andrea Carloni, de l’association Imago Antiqua, que vous trouverez sans trop de difficulté en ligne.

 

 

5. D’après la robe de Sainte Elisabeth de Thuringe (1207 – 1231)

Une robe attribué à sainte Elisabeth de Thuringe (née Elisabeth de Hongrie) est conservée dans l’église Saint Martin, à Oberwalluf.  Une partie du buste (la gauche) ainsi que la manche gauche sont manquantes et le devant de la robe est coupé en diagonale, de telle sorte que cela a donné parfois une mauvaise interprétation d’une robe de type « caftan ». Encore une fois, la circonférence déductible (d’après les portions visibles) est confortable mais pas excessive, de l’ordre de 350 cm.

 

6. D’après des tombes royales de Prague

Dans une tombe de la cathédrale saint Guy à Prague, une robe attribué à  une des quatre épouses de Charles IV, Anna Svídnická morte en 1362 a été retrouvée en 1928. Il s’agit d’un surcot sans manche, ou bien d’une cotte dont les manches n’ont pas été conservées (fig. 19). L’étoffe est riche, en lampas de soie avec un décor végétal et animalier et curieusement coupé en un seul pan, plié.

 

Fig. 19 – Le surcot après restauration.  Photo:  «Funeral Attire of a Czech Queen from the Royal Tomb in St. Vitus Cathedral Textile and technology research » by Romana Kloudová

Nous avons deux largeurs de silhouette, plus 4 goussets insérés deux par deux uniquement devant et derrière, permettant de doubler la largeur (fig. 20). Encore une fois, la circonférence au sol est très raisonnable, voire assez réduite. Et c’était un vêtement royal.

Un autre surcot sans manche (non présenté ici) de la même période a été restauré, la découpe est différente, avec l’insertion de 4  godets indépendants,  devant, derrière et sur les flancs. Une fois encore, la circonférence au sol n’excéderait guère 350 cm.

Fig. 20 – Croquis de coupe : «Funeral Attire of a Czech Queen from the Royal Tomb in St. Vitus Cathedral Textile and technology research » by Romana Kloudová

7. D’après les tombes de Santa Maria Agramunt (Urgell)

Fig. 21 – Chemise d’Agramunt.  Photo : E. Cerdà, M. Xirau i Q. Ortega (http://tribunadarqueologia.blog.gencat.cat)

En 1997 une campagne de fouilles[28]le rapport de fouilles est disponible en ligne  Cerdà i Durà, Elisabet. «El procés de conservació-restauració de la indumentària civil del sepulcre del campanar de l’església de Santa Maria d’Agramunt (segle XIV)». UNICUM, 2013, Núm. 12, p. 33-45, https://raco.cat/index.php/UNICUM/article/view/282073.  dans l’église de Santa Maria Agramunt (Urgell) a permis la découverte de deux trousseaux funéraires, celui d’un homme et celui d’une femme d’environ 21 à 25 ans, certaines pièces mieux conservées que d’autres (fig. 22). Il est suggéré que les victimes sont mortes de la peste au XIVe s. (datation des os aux carbone 14). Elles ont pu appartenir à une classes sociale riche, sans être nobles ; les vêtements, qui ne sont pas luxueux, ne seraient pas des vêtements funéraires mais bien des habits du quotidien. Ici, la chemise de la femme (fig. 21), en lin : la forme est basique, sans gousset d’aisance aux aisselles et à peine trapézoïdale pour à peine élargir le bas. La circonférence est spectaculairement restreinte, même en considérant que ce n’est qu’une chemise, c’est à dire un vêtement non exposé, qui n’a pas à « en imposer » et qui, de plus, s’arrête probablement à mi-mollet. A noter la précision suivante : la chemise en lin a été cousue avec du fil de lin à deux brins retordus.

 

Fig. 22 – Agramut (Urgell) Photo : http://www.comarquesdeponent.com

 

8. D’après la robe d’Uppsala 

Fig. 23 – robe d’Uppsala conservée au musée d’Uppsala (Suède). Photo Greydragon

Robe datée circa 1470[29]datation proposée par Arne Danielsson in « Queen Margaret’s Golden Gown—once again ».

Les dimensions suivantes ont été relevées page 213 de l’ouvrage Clothing the Past: Surviving Garments from Early Medieval to Early Modern [30]aux éditions  Brill concernant la robe d’Uppsala (fig. 23): Hauteur devant : 146 cm ; circonférence estimée : 420 cm

Etant donnée la richesse de l’étoffe (fils d’or) et précédemment attribuée à la reine Margaret, il ne s’agit pas de la robe de travail de la première boulangère venue, et malgré tout la circonférence n’est estimée qu’à « seulement » 420 cm pour 146 cm de hauteur[31]146*1.2 = 175,2. Si la propriétaire portait cette robe sans ceinture à ras du sol, elle mesurait environ 175 cm ; si elle était plus petite, la longueur trainant au sol n’est pas démentielle non plus.

 

9. D’après…

Ce survol, n’intègre ni la robe de moine  du bienheureux franciscain Galeotto Malatesta (fig. 24), ni la tunique plissée rembourrée de Diego Cavaniglia (fig. 25), toutes deux de la fin du XVe siècle.

Fig. 24 – Galleotto Malatesta. Photo http://www.villaggiomedievale.com
Fig. 25 – Tunique de Diego Cavaniglia. Photo de l’exposition « Le vesti di Diego Cavaniglia »

Ont été également mises de côté les deux reliques que sont la chemise dite de saint Louis (mutilée pour fournir des reliques, conservée au musée de la cathédrale de ND de Paris) et  la chemise ouatinée  d’Isabelle de France morte en 1270  (conservée au couvent saint François de Paris exposée au château de Langeais en 2007, pour laquelle vous trouverez toutes les mesures sur le blog de Cité d’antan).

 

Sept mètres de circonférence au sol, ne serait-ce pas exagéré ?

Au vu de cette compilation, nous dirions que si. A moins de mesurer 2,10m de haut ?

Il n’y a pas d’ampleur extravagante parmi ces artefacts parvenus jusqu’à nous, même pour des vêtements royaux. Alors pourquoi cela semble-t-il si volumineux sur les dessins et les sculptures qui sont nos autres points de repère ? Peut-être parce que la robe longue est en tissu épais (plus épais que ce que nous utilisons à des fins d’exploitation en été – de la laine vraiment fine) ou bien en tissu doublé, et que l’excédent qui tire-bouchonne parfois au sol donne une impression de volume ; ce volume serait plutôt du à la longueur excédentaire, bien plus qu’à  la circonférence de l’ourlet.

Remarquons en passant que sur les représentations, lorsqu’un pan de la robe est relevé (pour marcher par exemple), le vêtement de dessous atteint juste le sol : le volume au bas du vêtement ne serait donc pas non plus du à une superposition de plusieurs vêtements de (trop) grande longueur.

Reste alors l’hypothèse d’un choix esthétique de la part des artistes : en effet, les drapés et les plissés sont autant de moyens de prouver sa dextérité pour un sculpteur ou un peintre, tout en embellissant le sujet.

 

Comment obtenir 420 cm de circonférence ?

Qu’avons-nous appris à l’école ? Que la circonférence d’un cercle est égale à 2 x π x r. Pour mieux visualiser la chose, un ourlet de 420 cm de long  étalé au maximum au sol autour de vous décrira un cercle de 66,85 cm de rayon autour de vos talons joints. Soit 5 iphone bout à bout. Soit 2,3 bouteilles de bordeaux bout à bout. Soit  5.8 canettes de coca empilées. Soit 58 sucre-dominos et demi. C’est beaucoup (surtout pour le sucre), mais pas déraisonnable (sauf pour les iphone).

Si l’on considère un patron géométrique à partir de panneaux rectangulaires et de goussets en triangles rectangles, avec des panneaux de 70 cm de large et des goussets de 70 également on parvient à environ 6 x 70 cm soit 420 cm. A moduler en fonction de la hauteur totale et la largeur des lés employés : le théorème de Thalès vous aidera à imiter le rendu des vêtements de fouilles.

Et la traîne  ?

Rappelons qu’une traîne prolonge le dos du vêtement, elle est positionnée uniquement à l’arrière d’une robe, pas à l’avant et encore moins sur les côtés http://www.cnrtl.fr/definition/traine

Remarquons au passage qu’une longueur excédentaire rend inutile la présence d’une traîne destinée selon certains blogueurs « à préserver la décence » et  à « continuer à masquer les mollets lorsqu’on se penche en avant ».

Certaines époques et certaines cours (la cour de Bourgogne au XVe s. notamment) ont véritablement popularisé la traîne sur les vêtements féminins. Il s’agit alors d’une vraie longueur de d’étoffe, de près d’un mètre (voire plus) déployée à la manière de la queue fermée d’un paon, et pas uniquement du bouillonnement d’un vêtement trop long qui s’entasse tout autour des pieds et destiné à montrer le peu cas que l’on fait de l’usure et du gaspillage.

 

 

Notes

Notes
01 http://www.cnrtl.fr/definition/ampleur
02 http://www.cnrtl.fr/definition/amplitude
03 tels ces conseils d’un vieil époux parisien à sa jeune épouse dans le Mesnagier de Paris à la fin du XIVe s.
04 Il est possible de faire une évaluation en se basant sur les proportions les plus communément admises. Si l’on connaît la longueur du vêtement L et que l’on admet qu’il touchait le sol, on peut déduire la taille de l’individu.

La stature S d’un humain est environ 8 fois celle de sa tête T (du haut du crâne au menton) : S = 8 * T. 
La ligne de ses épaules E se trouve environ 1/3 de tête plus bas que le menton, donc : E = 20/3 * T . Pourquoi  20/3 ? Parce que 8 (total) -1 (tête) -1/3 (cou) donne 7-1/3 = 21/3 -1/3 = 20/3 = 1,2.
Ce qui permet de déduire la taille relative et approximative de la tête du porteur :  T = E * 3 / 20.
Il suffit ensuite de remultiplier par 8 et on obtient la stature S = 8 * 3/20 *E = 1,2 * E

La mesure L est prise au point le plus haut, vers le cou. La ligne des épaules E est légèrement plus basse, mais nous pouvons raisonnablement nous contenter de retirer 2 cm à L pour obtenir E.

Exemple :
Soit un vêtement de 167 cm de long mesuré à plat. On peut retrancher au moins 3 cm pour prendre en compte le volume du corps humain, et retrancher 2 pour descendre à la ligne d’épaules et considérer E = 162 cm.
H = 162 + 25 = 197 cm en calcul rapide.
Ou bien E = 162 et  H  =1,2 *162 = 194,4 cm.
Si l’ourlet ne doit que frôler le sol, le porteur doit être plus grand que François 1er… De fait, un vêtement d’une hauteur de 167 cm devait bien traîner par terre sur une femme…

05 « Buried Norsemen at Herjolfsnes: An Archaeological and Historical Study », In Meddelelser om Grønland. København, 1924. 28 cm. bd. LXVII, p. [1]-[270] illus. (incl. map) fold. plan, diagrs Meddelelser om Grønland, Denmark Kommissionen for videnskabelige undersøgelser i Grønland, ISSN 0025-6676
06 compte rendu de lecture dans Persee  ;  description/vente ici
07 https://unipress.dk/udgivelser/w/woven-into-the-earth/
08 les goussets sont parfois trapézoïdaux, voire irréguliers
09 identifiée sous la référence D10583
10 1,2 * 121 = 145,2
11 1,2 * 141 = 169,2
12 https://books.google.fr/books/about/Medieval_Garments_Reconstructed.html
13 identifiée sous la référence D10580, ca 1380-1530
14 référence n°42
15 référence n°37
16 référence n°33-34
17 référence n°45
18 et nous avons calculé plus haut que la porteuse aurait du dépasser 1,94 m pour que la robe touche le sol ; ici, elle bouillonne aux pieds, c’est certain, et doit être relevée à la min pour pouvoir se déplacer : elle n’est déjà pas large en bas, elle le sera encore moins 30 cm au-dessus
19 pellote de Henri I https://www.patrimonionacional.es/colecciones-reales/indumentaria/pellote-del-rey-enrique-i  et fiche pdf ici : https://www.patrimonionacional.es/print/pdf/node/482
20 conservé aux archives de la couronne d’Aragon Arxiu de la Corona d’Aragó (Cancelleria Reial, reg. No. 4) http://pares.mcu.es/ParesBusquedas20/catalogo/description/1931494 
21 ou lambrequins
22 nous ne voulions casser les pieds de personne en rappelant le théorème de Thalès mais puisque le sujet est sur le tapis, c’est bien de cela qu’il s’agit
23 https://www.diariodelaribera.net/hemeroteca/comarca/la-vestimenta-de-la-infanta-leonor-queda-expuesta-en-el-monasterio-de-las-dominicas-de-caleruega/
24 il s’agit des armes de Castille & Léon : un château et un lion, visibles aussi sur la toque brodée : https://www.patrimonionacional.es/colecciones-reales/indumentaria/birrete-de-don-fernando-de-la-cerda
25 satin : https://textileaddict.me/larmure-satin/
26 https://www.livescience.com/1855-tunic-worn-saint-francis-identified.html
27 le vêtement est présenté sur un mannequin, on ne peut qu’extrapoler au vu du plissage des godets latéraux
28 le rapport de fouilles est disponible en ligne  Cerdà i Durà, Elisabet. «El procés de conservació-restauració de la indumentària civil del sepulcre del campanar de l’església de Santa Maria d’Agramunt (segle XIV)». UNICUM, 2013, Núm. 12, p. 33-45, https://raco.cat/index.php/UNICUM/article/view/282073.
29 datation proposée par Arne Danielsson in « Queen Margaret’s Golden Gown—once again »
30 aux éditions  Brill
31 146*1.2 = 175,2. Si la propriétaire portait cette robe sans ceinture à ras du sol, elle mesurait environ 175 cm ; si elle était plus petite, la longueur trainant au sol n’est pas démentielle non plus

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