Repères religieux (partie 1)

Pour pouvoir « exploiter » une image (un dessin, une peinture, une sculpture), il est indispensable de la resituer dans son contexte

Même si, de façon générale, les vêtements des personnages de scènes bibliques ne sont pas exploitables pour notre hobby, ils peuvent parfois l’être. Parfois on peut en utiliser l’ensemble, parfois seulement des détails. Cela dépend de l’importance symbolique des personnages, qui doivent être identifiables au premier regard et dont la représentation est très cadrée, très codifiée. Cela dépend également de la période de représentation. Ainsi, vers la fin du Moyen Âge, la Vierge Marie est-elle parfois plus contemporaine, suffisamment réactualisée en tout cas, pour en utiliser quelques détails (par exemple une ceinture fig.4).

Mais avant de décider s’il s’agit de personnage principaux (dont la représentation est strictement codifiée, uniformisée) ou secondaires (moins  rigoureusement décrits), encore faut-il identifier les protagonistes en reconnaissant les différentes scènes. Ce n’est pas toujours évident, et ce n’est pas toujours certain à un niveau de dilettante. En cas de doute, il ne faut pas hésiter à consulter les commentaires, légendes et cartels comme fournis dans les bases Mandragore[01]http://mandragore.bnf.fr ou Initiale[02]http://initiale.irht.cnrs.fr.

Dans la mesure où la plupart des thèmes illustrés avant la fin du Moyen Âge sont des thèmes religieux, il est nécessaire de connaître quelques bases pour identifier les scènes les plus représentées : Visitation, Crucifixion, Nativités (de Marie, de Jésus, de Jean Baptiste…), divers martyres…

Il est également nécessaire de posséder d’autres éléments de culture chrétienne, de savoir que ce sont l’Ancien et le Nouveau testament, d’acquérir d’autres notions de cette mythologie et d’en connaître le maximum de légendes, ce qui est parfaitement accessible sans pour autant se lancer dans des études religieuses.

Pour débuter, assurons-nous de savoir ce que désigne la Bible[03]https://fr.wikipedia.org/wiki/Bible et ce que l’Ancien Testament[04]https://fr.wikipedia.org/wiki/Ancien_Testament (emprunté aux mythes juifs, avant l’arrivée du Christ, et qui contient entre autres la Genèse) et  le Nouveau Testament[05]https://fr.wikipedia.org/wiki/Nouveau_Testament (à partir de Jésus, avec les quatre Évangiles canoniques) englobent respectivement.

La vie des saints (notamment au travers de la Légende dorée rassemblée par Jacques de Voragine[06]https://fr.wikipedia.org/wiki/La_L%C3%A9gende_dor%C3%A9e) sera très pratique pour identifier quelques saints via leur(s) attribut(s).

Les évangiles apocryphes[07]apocryphe signifie : dont l’Église ne reconnaît pas l’origine divine, qu’elle place hors du canon des Livres inspirés (CNRTL) seront également utiles, notamment le Protévangile de Jacques[08]Protévangile de Jacques (IIème s.) et l’Évangile du Pseudo-Matthieu[09]Évangile du Pseudo-Matthieu (VIIème s.), mais pas seulement…

Ancien et Nouveau Testament

Pour concilier le Nouveau (chrétien, vie de Jésus) et l’Ancien (juif, vie de Moïse) Testament, les théologiens ont très tôt décidé que les analogies entre les deux permettaient de considérer, en quelque sorte, que l’un était la préfiguration de l’autre. Cette doctrine théologique chrétienne est appelée typologie biblique [10]typologie biblique. Un type, en philosophie, est un « moule, modèle idéal qui détermine la forme d’une série d’objets qui en dérivent; concept abstrait, où s’exprime l’essence d’une chose, considéré comme un moule, un modèle (d’apr. Lal. 1968) »[11]http://www.cnrtl.fr/definition/type. En théologie (chrétienne), un type dans l’Ancien Testament est l’empreinte, la racine,  les prémisses, le concept d’une « réalité » confirmée par un événement similaire dans le Nouveau Testament ;  une sorte de prédiction, de brouillon qui se trouve confirmé par le Nouveau Testament.

Cela est fort commode pour expliquer qu’on ne contredit pas ce qui était connu  et que même, mieux : ce qui était connu (Ancien Testament) ne faisait qu’annoncer ce que l’on sait maintenant (Nouveau Testament). C’est ainsi que les quatre prophètes principaux de l’Ancien Testament sont en analogie avec les quatre Évangélistes. C’est ainsi que l’absence au monde de Jonas dans le ventre de la baleine pendant 3 jours et une nuit est considéré comme une préfiguration de l’absence au monde, de la même durée,  de Jésus pendant qu’il est au tombeau. Et c’est ainsi que les douze tribus d’Israël correspondent aux douze apôtres de Jésus. Cette liste d’exemples n’est pas exhaustive.

C’est simple, tout en étant complexe, et c’est un concept dont il faut connaître l’existence, et dont il faut également savoir qu’il est connu depuis le début du christianisme (et donc connu et utilisé au Moyen Âge).

Cette nuance ancien/nouveau est parfois très visible  dans les représentations : les scènes issues de l’Ancien Testament doivent avoir un rendu ancien, vieillot, dépassé aux yeux des contemporains de l’artiste. Pour cela, les illustrateurs auront recours à une mode ou à des détails renvoyant à la fois vers l’Antiquité et vers l’Orient  car il s’agit de représenter le vieux monde : romains, toges, dorures, joyaux et caractéristiques juives (couvre-chef, écriture…) aideront à renforcer cette impression. Parfois toute la scène sera vieillie à l’Antique, parfois seulement des détails (turbans, ceintures drapées, pierreries…).  Parfois ce vieillissement sera également appliqué à des scènes du Nouveau Testament. L’important, encore une fois, est de se faire comprendre (en utilisant un vocabulaire graphique adapté), bien plus que de décrire avec précision.

Il est à noter que quelques héros sont définitivement stéréotypées et jamais actualisées, comme Jésus, les Apôtres, les Prophètes qui seront toujours en tuniques amples hors des modes. D’autres seront modernisés, actualisés  mais conserveront toutefois des caractéristiques vieillottes.

La subtilité, pour nous, hobbyistes, est de naviguer dans le flots d’informations pétries d’une culture que nous ne maîtrisons plus trop bien ; et d’arriver à  les identifier, à situer dans les Écritures avec le plus de discernement possible,  afin d’évaluer au mieux ce qui serait exploitable et ce qui ne saurait l’être.

Les scènes (susceptibles d’apporter des informations exploitables) les plus connues, par ordre chronologique (ou presque)

L’Annonciation

L’Annonciation est le nom de la scène  montrant Marie chez elle, occupée à une tâche domestique (au Haut Moyen Âge, elle file de la laine le plus souvent ; puis, à la fin du Moyen Âge, elle est plutôt occupée à lire) recevant la visite de l’archange Gabriel  parfois accompagné de l’esprit saint (sous forme d’oiseau, en général une colombe). Le messager vient saluer Marie et lui apprendre qu’elle aura pour fils ce Jésus fils du très-Haut. A quoi Marie, d’abord sceptique (on le serait à moins) finit par se résigner et par répondre humblement qu’elle est la servante de Dieu (« ecce ancilla domini», voici la servante de Dieu) ; la réponse de Marie est parfois figurée  dans un phylactère dans la scène même.
Cette scène, très codifiée, peut néanmoins fourmiller de détails quotidiens appréciables (fig. 1) : si Marie est surprise au travail avec une servante, ladite servante est peut-être actualisée et contemporaine de l’artiste. Si Marie est occupée à lire, le livre est contemporain de l’artiste, ainsi que le mobilier (sièges, table, tapis, pupitre, chandelier, coussins…), jusqu’au vase ou au pot contenant des lys blancs (cette fleur est un attribut marial, elle est  censée représenter le caractère virginal de Marie).

Fig 1 – The Annunciation, c. 1480 Albert Bouts. Photo Cleveland Museum of Art.

Un mot à propos d’un détail dans une Annonciation précise, celle peinte par Robert Campin (identifié au Maître de Flémalle), et conservée à Bruxelles (fig. 2). Si l’on regarde attentivement, on repère une image peinte épinglée sur le manteau de la cheminée. La présence de décoration, et d’images pieuses, sans être encore très répandue, n’a rien d’exceptionnel. Ce qui est plus singulier, en revanche, c’est le sujet représenté. Bien qu’il n’ait rien d’étrange en soi : il s’agit d’un homme, s’appuyant sur un bâton et portant un enfant sur son épaule. Mais on reconnait là… saint Christophe[12]https://fr.wikipedia.org/wiki/Christophe_de_Lycie (dont le nom de saint signifie littéralement porteur du Christ) faisant traverser un fleuve à Jésus enfant (fig. 3). Or, le sujet illustré ne saurait être connu de Marie occupée à lire, puisque l’archange Gabriel est à peine entrain de l’informer de l’arrivée du bambin…
Nous serions curieux de connaître la raison qui a poussé le peintre à manifester cet anachronisme en manière de prophétie ?

Fig 2 – Annonciation. Robert Campin.  Musées royaux des beaux-arts de Belgique, Bruxelles. Photo Wikipédia
Fig 3 – Détail de l’Annonciation de Bruxelles. Photo d’un blog

La Visitation

Les deux cousines, Marie et Elisabeth[13]Elisabeth, sont enceintes en même temps. Toutes deux ont été averties de leur enfantement miraculeux par l’ange Gabriel, toutes deux vont accoucher de prodiges, l’une d’un prophète, l’autre d’un messie (rien que ça !). La scène de la Visitation, qui les réunit, les montre bien toutes deux enceintes et parfois même, pour renforcer la compréhension de la scène, les bébés sont  peints sur le ventre des futures mères.

Connaître la particularité de cette scène permet parfois de repérer des « robes de grossesse » ; au XVème s. par exemple, c’est ainsi que l’on repérera des robes ajustables, lacées sur le côté (fig. 4), au rendu et à la mode tout à fait contemporaines. Bien entendu, il ne faut pas considérer Marie, qui est trop célèbre, mais plutôt Elisabeth, ou encore mieux, leurs servantes qui sont parfois figurées.
La Visitation permet également de distinguer la mode des femmes jeunes (Marie) de celle des femmes nettement plus âgées (Elisabeth ; nous savons qu’Elisabeth est plus âgée, car c’est ce qui constitue l’aspect miraculeux de son grossesse), ce qui peut être intéressant lorsque manifestement les vêtements sont actualisés pour être contemporains du peintre (c’est à dire non figés dans le temps et l’Antiquité).
Par exemple, pour la Visitation de Roger de la Pasture (fig. 4), si le plissé au cou de Marie est un peu suspect, de même que son inévitable manteau stéréotypé, en revanche sa ceinture est bien contemporaine (riche, mais contemporaine), ainsi que sa robe rouge en velours façonné (ou en damas ou en lampas) très XVème s.,  mais aussi sa robe d’extérieur bleue, doublée de fourrure rase à la dernière mode ; les manches de Marie, elles en revanche, ne semble suivre aucune mode contemporaine du peintre.

Fig. 4 – La Visitation. Rogier van der weyden.  Photo wikipedia

Distinguer les scènes de Nativité

On rencontre principalement trois naissances bibliques importantes, ce sont celles de Marie, de Jésus et de Jean le Baptiste.

La naissance de Jésus est la plus facile à repérer : une grotte ou une étable, en tout état de cause certainement pas l’intérieur d’une maison, de la nature bien visible dans le décor, un lit rudimentaire (souvent une mangeoire) pour le bambin, un homme âgé, une femme nimbée alitée ou priant au-dessus du bébé.
Il peut également (selon le Protévangile de Jacques) y avoir l’intervention d’une ou deux sages femmes, dont l’une peut avoir une main mise en valeur : il s’agit alors de Salomé qui a mis en doute la virginité de Marie (fig. 5, manteau bleu)  ; elle sera punie par flétrissement de sa main mais soignée par repentir et intervention du divin bambin. Dans cette scène (fig. 5)  très cadrée, très symbolique, les seules informations intéressantes pour le hobby porteront sur les personnages annexes comme les bergers ou sur les accessoires (lanterne, lampe, cierge, poêlon, socques de Salomé, chaperon de Joseph…). Les sages femmes en revanche sont très orientalisées (joyaux,  mode particulière) et peut-être que seules les matières premières des vêtements apportent une information contemporaine du peintre (brocart rouge de Salomé). Les ornements (notamment le galon doré du manteau) sur Marie relèvent plus probablement du symbole, de la mise en avant et de l’ennoblissement de la mère de Jésus.

Fig 5 – Robert Campin. Détail de la Nativité. Musée des Beaux-Arts, Dijon. Photo wikipedia

La naissance de Marie[14]naissance de Marie  ne met en scène que des femmes[15]ce qui, de toute façon, est la réalité du Moyen Âge, on pourra consulter « Dans la chambre de l’accouchée : quelques éclairages sur le déroulement d’une naissance au Moyen Âge », par Céline Ménager à cette adresse : Anne la mère, le bébé Marie, et des servantes (fig. 6). Joachim[16]Joachim, le père de Marie, n’est pas présent (le couple est réputé stérile, ce qui est la cause d’un exil volontaire de Joachim) ou bien il figure à l’extérieur de la chambre (fig. 7) ou bien il entre à peine dans la scène. La chambre est celle d’une maison aisée.
Les personnages secondaires des servantes apportent des informations sur la mode contemporaine (coiffure tressée, ourlet remonté…) et les accessoires (éventail, linge de maison, coffre,  aiguière, bassin…) mais peut-être aussi su des coutumes juives.

Fig. 86 – Naissance de Marie. Giovanni da Milano, Photo wikipedia
Fig 7 – Naissance de Marie – Pietro Lorenzetti. Sienne, Museo dell’Opera Metropolitana del Duomo. Photo wikipedia

La naissance de Jean le Baptiste, fils d’Elisabeth et cousin de Jésus, inclue généralement un homme, Zacharie, l’époux d’Elisabeth, occupé à écrire non loin du lit (fig 8). Il s’agit encore d’une naissance miraculeuse,  Elisabeth (une cousine plus âgée de Marie), ayant tardé à concevoir. Cet enfantement tardif rend le père (Zacharie) très sceptique : par punition divine  son scepticisme le rendra muet. Zacharie confirmera par écrit le nom de son fils et cette acceptation lui rendra la parole. La chambre est celle d’une maison aisée. Ici aussi, les personnages secondaires des servantes renseignent sur la mode, les coiffures, les accessoires. Les visiteuses en revanche sont orientalisées via leur coiffure (ainsi que la servante réchauffant la serviette de bain).

Fig 8 – Naissance de Jean le Baptiste. Chantilly, Musée de Chantilly, Heures d’Etienne Chevalier, Ms71, f. 28r. Photo RMN

Lorsqu’un homme écrivant est présent dans une scène de naissance à l’intérieur d’une maison aisée, il s’agit à coup sûr de la nativité de Jean le Baptiste.

Lorsqu’il n’y a pas d’homme présent dans la scène, le doute est permis entre la nativité de Marie et celle de Jean le Baptiste : il faut alors considérer l’ensemble de la fresque ou l’emplacement dans le manuscrit, d’autres indications y figurent peut-être. Par exemple une scène proche montrant une tête coupée sur un plateau devant une tablée de convives sera une référence à la mort de Jean le Baptiste. Par exemple, sur une fresque ou dans un manuscrit, la naissance Marie devrait figurer avant celle de Jean Baptiste.

Au décompte de ces scènes de naissances, l’on se dit que la mythologie chrétienne compte un nombre incroyable de cocus résignés :).

 

Familiarisons-nous avec un peu plus de vocabulaire, apprenons les attributs et les surnoms des principaux saints

Fig. 9 – Paris, Bibliothèque de l’Arsenal, ms 593, f.3r. Photo Gallica

Commençons par Jésus, qu’il faut apprendre à distinguer des autres personnages bibliques. C’est assez facile, c’est le seul à être doté d’un nimbe crucifère. C’est à dire que dans son auréole sont visibles les trois branches supérieures de la croix. Ce qui peut parfois donner des scènes cocasses avec une auréole très travaillée rappelant une bouée de sauvetage (fig. 9). Il est également de ceux (saints, Apôtres, Prophètes…) qui sont invariablement habillés d’une tunique ample, simple (ni bouton, ni lacet ni ceinture) et très longue (sachant que cette tunique précise a une importance propre [17]https://fr.wikipedia.org/wiki/Sainte_Tunique, avec ou sans manteau. Jésus est le seul saint à porter ce rappel de la croix dans son auréole mais pour autant, il n’en est pas systématiquement doté si son identification ne laisse place à aucun doute (fig. 5).

Bestiaire

Tétramorphe désigne à l’origine quatre animaux ailés tirant le char de la vision d’Ezéchiel[18]https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89z%C3%A9chiel. Mais, plus communément et par association, ce terme désigne les quatre symboles des quatre évangélistes et parfois en raccourci les quatre évangélistes eux-mêmes. Par ordre chronologique d’écriture : le lion de Marc[19]https://fr.wikipedia.org/wiki/Marc_(%C3%A9vang%C3%A9liste), l’homme de Matthieu[20]https://fr.wikipedia.org/wiki/Matthieu_(ap%C3%B4tre), le taureau de Luc[21]https://fr.wikipedia.org/wiki/Luc_(%C3%A9vang%C3%A9liste) et l’aigle de Jean[22]https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean_(ap%C3%B4tre). Sur la figure 10,  en commençant par le bas (le socle) puis en remontant de gauche à droite (dans le sens des aiguilles d’une montre).

Fig. 10 – Avignon, Bib. Mun., Evangiles, ms 22, f. 025v. Photo IRHT

Armes 

Saint Paul de Tarse (né Saül et non Paul) représenté en pied porte une épée (c’était un soldat qui a persécuté les premiers chrétiens, et il a été décapité) ; il est parfois représenté chutant de cheval (fig. 11) alors qu’il rejoint Damas à la poursuite de prisonniers chrétiens. Après une vision l’ayant fait tomber, il fut aveugle pendant trois jours, ne mangea ni ne bu avant d’arriver à Damas et de se convertir. C’est à sa soudaine conversion, un large virage à 180° façon demi-tour, que l’on doit l’expression « chemin de Damas » qui désigne le fait de se convertir à une doctrine après l’avoir combattue.

Vous cherchez des épées contemporaines du peintre ? Trouvez  saint Paul[23]Paul de Tarse(fig 12).

Fig 11 – Amiens, Bib. Mun, Bible, 0023, f. 270. Photo IRHT

Si vous trouvez Paul, vous trouverez aussi Pierre, car ces deux apôtres sont considérés ensemble comme deux piliers de l’Eglise chrétienne. L’attribut de Pierre est la clef (voir plus bas).

Fig 12 – Avignon, Bib. Mun., Missel romain, ms 136, f. 249. Photo IRHT

Vous trouverez d’autres épées avec les Christ de l’Apocalypse ainsi décrit : « de sa bouche sortait une épée aiguë, pour frapper les nations » ou la variante  « et une épée aiguë à deux tranchants sort de sa bouche, afin qu’il en frappe les nations ». Parfois une épée est figurée près du visage, parfois deux (fig. 13), parfois Jésus semble la (ou les)  tenir entre ses dents (fig. 14), ce que l’on appelle aussi le glaive de la « Parole ».

Fig 13 – Christ de l’Apocalypse. ¨Paris, Bib. de l’Arsenal, La somme le Roi, ms 6329, f. 6r. Photo Gallica
Fig 14 – Christ de l’Apocalypse. Zürich, Zentralbibliothek, Ms. Rh. 167, f. 145v. Photo e-codice

 

Sainte Lucie de Syracuse est supposée s’être arrachée les yeux à la suite d’un voeu, sa mère tentant de la marier de force. Comme ce châtiment n’aurait pas suffit à la tuer, elle est parfois représentée tenant, en plus d’un plateau portant ses deux yeux, l’épée qui lui aurait percé la gorge.

Sainte Catherine d’Alexandrie est associée à des roues cloutées censées la déchiqueter.  Parce qu’elle a été également décapitée (on n’est jamais trop prudent pour se débarrasser d’une personne encombrante), sainte Catherine est parfois figurée avec une épée. Sainte Catherine est réputée vierge : cette indication est précieuse si l’on cherche les vêtements (à condition qu’ils aient été actualisés) d’une jeune fille.

Saint Sébastien et sainte Ursule ont été tués par flèches et leur attribut est une flèche d’arc (ou un carreau d’arbalète).

 

Accessoires domestiques

Saint Pierre (fig. 12) est repérable à ses clefs (au moins une, censée être en or) « du Royaume des Cieux », qui lui sont remises par Jésus en personne d’après l’Évangile selon Matthieu. Ce sont ces même clefs qui figurent sur les armoiries pontificales. Vous cherchez à connaître la morphologie probable de l’objet clé contemporaine de l’artiste ?  Trouvez saint Pierre…

Saint Laurent, le patron des rôtisseurs, est mort en martyr grillé à petit feu. Pour narguer ses bourreaux, il leur aurait suggéré de le retourner afin qu’il soit uniformément cuit. Bien entendu, la morphologie contemporaine du grill sera respectée par l’artiste, mais rarement les proportions (et surtout pas dans les scènes représentant Laurent exposé aux braises…). Vous cherchez un grill (fig. 15) contemporain du peintre (à noter : le grill sert plus aux poissons qu’à la viande) ou parfois des crocs à viande ou des tisonniers (sur la scène décrivant le martyre du saint) ? Trouvez saint Laurent…

Fig 15 – Saint Laurent. Besançon, Bib. Mun., Bréviaire à l’usage de Besançon, ms 69, f.713. Photo IRHT

Lanterne et torches font partie des instruments de la Passion du Christ et figurent également dans les scènes de l’Arrestation de Jésus, décrite comme se déroulant après la tombée du jour.

Outils de travail

Fig 16 – Saint Blaise. Par Hans Memling. Musée de sainte Anne, Lübeck.  Photo wikipédia

Saint Blaise, médecin, et evêque de Sébaste a été écorché avec des peignes à carder (fig. 16). Une tentative d’exécution par noyade ayant échoué – la surface du lac ayant miraculeusement été figée, intraversable – il fut décapité. Pour autant, on ne lui attribue pas une épée mais un cierge, que la mère d’un ses patient lui avait apporté pendant son séjour en prison.
Vous cherchez des cierges ou des peignes à carder ? Trouvez saint Blaise.

Saint Fiacre n’aurait pas été martyrisé, mais canonisé en référence à ses œuvres. Il fut moine, construisit un monastère et lui adjoignit un grand jardin pour nourrir ses frères de légumes et les soigner d’herbes. On le reconnaîtra à son habit monacal (robe simple et scapulaire) ainsi qu’à sa bêche (à ne pas confondre avec une pelle) et il tient également un livre.Vous cherchez des bêches ? Trouvez saint Fiacre (fig. 17).

Fig. 17 – Saint Fiacre. Paris, BNF, horae ad usum romanum, Latin10538, f. 225r. Photo Mandragore

Pour des bêches, cherchez aussi Caïn, le premier cultivateur activiste végane, ayant assassiné son cadet au motif que son offrande, en grain, avait été refusée au profit de celle, carnée, de l’éleveur Abel (fig. 18). Lorsque Caïn n’est pas armé d’un gourdin, il tient un outil agricole,  souvent une bêche, parfois une houe. Adam, chassé du paradis est également souvent montré travaillant aux champs avec une bêche ou une houe.

Fig. 18 – Caïn tuant Abel. Paris, BNF, Psautier de Saint Louis, Latin 10525, f. 2. Photo Mandragore

L’attribut de saint Jacques d’Alphée, dit  le Mineur n’est ni la pioche ni la lanterne ni la pelle (on l’appelle le Mineur pour le distinguer de Jacques le Majeur, non en raison de son métier), mais le bâton de foulon (une sorte de pilon) qui le tua (ou plus tardivement l’arc à carder, dont on voit mal l’action contondante et létale, mais il s’agit probablement d’un glissement d’emblème liée aux professions dont il était le saint patron) (fig. 19 ).

Fig. 19 – Vitrail daté de 1519. Adelheid, épouse d’Arnold von Loe et saint Jacques le Mineur portant un arc à carder. Musée Victoria et Albert, Londres. Photo V&AM

Les deux meringues que sainte Agathe présente dans un plat (fig. 25) sont ses seins, arrachés par des bourreaux/peintres très imaginatifs. Si les seins de sainte Agathe n’apportent pas grand chose au hobby, on s’informera en revanche sur divers outils employés dans ces délicieuses scènes gore (permettant aux pervers de dessiner de la mamelle en toute innocence) :  cordes (fig. 20), pinces, tenailles (fig. 23), casse-noix (?) (fig. 22)  et même crocs à viande (fig. 24)

Fig. 20 – Carpentras, BM, Psautier, ms77, f. 178v. Photo http://initiale.irht.cnrs.fr 
Fig. 21 – Paris, Bibliothèque  de l’Arsenal,  Miroir Historial, ms 5080, f.174r.           Photo Gallica
Fig. 22 – Paris, BNF, Images de la vie du Christ et des saints, NAF 16251, f.97v. Photo Gallica
Fig. 23 – Paris, BNF, Vie de saints, Français 412, f68v. Photo Gallica
Fig. 24 – Cologny, Passionnaire de Weissenau, Cod. Bodmer 127, f. 39v. Photo e-codice
Fig. 25 – Sainte Agathe. Piero della Francesca. Polyptych of St Anthony, Galleria Nazionale dell’Umbria, Perugia. Photo wikipedia

Pour s’informer sur les outils de travail du cuir, ainsi que des souliers, il faudra chercher Crépin et Crépinien.

 

Curiosités

Voici quelques attributs curieux, ou interventions miraculeuses étonnantes, qui ont peu de chance de servir dans le hobby…

Au cas (assez improbable) où vous chercheriez des cailloux, vous en trouverez avec saint Etienne[24]ou Stéphane ou Steven ou Estève ou Estèphe : c’est la même personne qui fut le premier martyr chrétien et qui subit la lapidation (à laquelle saint Paul est censé avoir participé).

Saint Côme et saint Damien, toujours associés, sont respectivement médecin et apothicaire. Il est intéressant de savoir que parmi leurs attributs figurent un flacon à mirer les urines et une boîte à onguent. Leurs vêtements également reflètent souvent ceux des médecins, universitaires, contemporains du peintre. En revanche, ce pour quoi ils se sont le plus fait connaître a peu de chance de trouver un écho dans notre hobby : ils  ont pratiqué la première greffe de jambe au monde (fig. 26) ; le donneur étant un africain noir, les illustrations sont plutôt surréalistes et l’on pourrait se demander pourquoi faire tout une histoire pour enfiler une chausse noire à un homme alité…

Fig 26 – Greffe de jambe réalisée par saints Côme et Damien. Panneau de la prédelle de la Pala di San Marco de Fra Angelico au musée national San Marco, Florence. Photo Wikipédia.

Pourquoi ne pas compléter rapide ce tour d’horizon…

… avec cette Vie des saints consultable dans la base Initiale  ?

 
 

Et un petit jeu pour terminer

Au moins cinq saints sont identifiables ici (fig. 27), quatre au premier rang et un cinquième au second rang : lesquels[25]premier rang, de gauche à droite : Denis, Laurent, Blaise, Étienne. Deuxième rang, tout à gauche : Christophe ?

Fig. 27 – Paris, Bib. Mazarine, Missel à l’usage de Paris, ms 412, f. 369v. Photo Initiale

Le premier rang est également identifiable ici[26]Laurent, Etienne, Blaise, Sébastien  (fig. 28)

Fig. 28 – Paris, Bib. Mazarine, Missel à l’usage de Paris, ms 412, f. 356v. Photo IRHT

Notes

Notes
01 http://mandragore.bnf.fr
02 http://initiale.irht.cnrs.fr
03 https://fr.wikipedia.org/wiki/Bible
04 https://fr.wikipedia.org/wiki/Ancien_Testament
05 https://fr.wikipedia.org/wiki/Nouveau_Testament
06 https://fr.wikipedia.org/wiki/La_L%C3%A9gende_dor%C3%A9e
07 apocryphe signifie : dont l’Église ne reconnaît pas l’origine divine, qu’elle place hors du canon des Livres inspirés (CNRTL)
08 Protévangile de Jacques
09 Évangile du Pseudo-Matthieu
10 typologie biblique
11 http://www.cnrtl.fr/definition/type
12 https://fr.wikipedia.org/wiki/Christophe_de_Lycie
13 Elisabeth
14 naissance de Marie
15 ce qui, de toute façon, est la réalité du Moyen Âge, on pourra consulter « Dans la chambre de l’accouchée : quelques éclairages sur le déroulement d’une naissance au Moyen Âge », par Céline Ménager à cette adresse
16 Joachim
17 https://fr.wikipedia.org/wiki/Sainte_Tunique
18 https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89z%C3%A9chiel
19 https://fr.wikipedia.org/wiki/Marc_(%C3%A9vang%C3%A9liste)
20 https://fr.wikipedia.org/wiki/Matthieu_(ap%C3%B4tre)
21 https://fr.wikipedia.org/wiki/Luc_(%C3%A9vang%C3%A9liste)
22 https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean_(ap%C3%B4tre)
23 Paul de Tarse
24 ou Stéphane ou Steven ou Estève ou Estèphe : c’est la même personne
25 premier rang, de gauche à droite : Denis, Laurent, Blaise, Étienne. Deuxième rang, tout à gauche : Christophe
26 Laurent, Etienne, Blaise, Sébastien
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