Des ustensiles de chauffage d’appoint sont identifiables dans des chambres d’accouchées, notamment pour réchauffer les langes des scènes de naissance (dont Anne, Marie, ou Jean Baptiste) ; au pied de fileresses pour chauffer les dents des peignes pour qu’elles fassent fondre le suint résiduel conservé dans les fibres et facilitent le démêlage ; pour chauffer l’espace liturgique ; à proximité de canonniers ; et parfois près de bourreaux.
Comme souvent, il est difficile de déduire le matériau utilisé à la seule vue des représentations, si précises soient-elles, mais quelques artefacts sont parvenus jusqu’à nous, en fer ou bien en céramique. L’Espagne nous a laissé des braseros mobiles en fer forgé de style roman, bien que la plupart soient datés d’au moins la fin du XIII°s. ou du début du XIVe siècle.
Ces trois braseros en fer forgé, au motif de volutes adossées, dotés de roulettes et de potences portant de larges anneaux dans lesquels on peut glisser des bâtons afin de faciliter le déplacement pourraient être des modèles ou en tout cas l’inspiration pour un certain nombre de tableaux représentation la naissances.
Image 4- Musée de Lleida, Espagne. Détail de la Naissance de saint Jean Baptiste de Pedro García de Benabarre. vers 1473-1482. Photo Musée national d’art de Catalogne.Image 5- Musée de Lleida, Espagne. Détail de la Naissance de la Vierge, par Pedro García de Benabarre. vers 1475. Photo Musée national d’art de Catalogne.Image 6- Musée du Prado, Madrid. Détail de la Naissance de saint Jean Baptiste, par Juan de Segovia. Vers 1490. Photo Musée du PradoImage 7- Musée de la Colegiata santa Maria de Borja. Détail de la naissance de la Vierge, des frères Zahortiga. Vers 1470. Photo Rachel VessImage 8- Eglise sainte Marie à, Ejea de los Caballeros, de Martín Gracia et Antón Aniano. Détail de la naissance de la Vierge. Vers 1521. Photo Rachel Vess
D’autres braseros à roulettes sont repérables sur des tableaux, avec un caisson plus bas et sans potence aux quatre angles. Certains sont dotés de roulettes, mais ça ne semble pas systématique. Deux poignées latérales sont souvent visibles.
Image 9- Musée Städel, Francfort. Détail de la Sainte Famille, par Garofalo. vers 1515. Photo Musée StädelImage 10- MNAC, Barcelone. Détail de la naissance de la Vierge par le Maître de Cinctorres. Vers 1400. Photo MNACImage 11- Musées Royaux des Beaux-Arts, Bruxelles. Détail de La justice de l’empereur Otton : L’épreuve du feu, par Dirk Bouts. Vers 1475 . Photo Wikimedia CommonsImage 12- Cathédrale de Teruel, Capilla de la Coronacion. Détail de la naissance de la Vierge, Maestro de la Florida, circa 1460. Photo Rachel VessImage 13- Logrono Museum. Détail du retable Torremuña. 1490. Photo Rachel Vess
Les mêmes modèles sont repérables sur des miniatures de manuscrits à peinture.
Image 14- Getty museum. Illustrated Vita Christi, Ms 101. f 29. Photo GettyImage 15- La Hague, Pays Bas. Livre d’Heures, maître de Catherine de Clèves, MMW 10F50, f14r. Vers 1460. Photo Koninklijke BibliotheekImage 16- BNF, Paris. Livre des propriétés des choses, Français 135, page 329. Photo Gallica
Un modèle de plus grandes dimensions est conservé à Noyon : dimensions de l’ensemble : h = 61 ; la = 69,5 ; pr = 56. Dimensions du foyer : l = 34 ; la = 32. Ce chariot à braise est peut-être daté du XIV°s. Il pouvait aussi bien chauffer l’espace liturgique que fournir des braises pour alimenter l’encensoir.
Un autre haut modèle, doté d’un toit, dans la cathédrale de Beauvais, qui compte deux chariots, l’un plus récent que l’autre. Celui qui nous intéresse serait daté de la fin XV°s (le deuxième lui ressemble beaucoup, en plus « industriel »). Le toit aurait été ajouté plus récemment. Dimensions totales : h = 132 ; la = 45 ; pr = 45.
Un modèle fer et cuivre (cuivre pour la cuvette, fer pour le trépied) au musée d’Art de Cleveland provient de Sienne (Italie), il est estimé première moitié du XV°s. Hauteur totale : 116,8 cm.
Image 19- Musée d’Art de Cleveland (USA). Proviendrait de Sienne (italie). Photo Musée de Cleveland
Certains réchauds ne sont pas rectangulaires (ni carrés). Ils semblent en métal, avec des anneaux de préhension diamétralement opposés.
Image 20- Museo de Arte Sacro de Teruel. Retable de sainte Anne. XV°s. Photo Rachel VessImage 21- Cathédrale de Valladolid. Retable de sainte Anne, maître de Gamonal. XV°s . Photo Rachel VessImage 22- Musée de l’église saint Pierre, Fromista. Détail d’un retable avec la naissance de Marie, des Maestro de los Balbases et Maestro de Salomon De Fromista. Vers 1485. Photo Rachel VessImage 23- Musée de Montserrat, Espagne. Détail de la naissance de la Vierge, Pedro Berruguete. Vers 1450-1504. Photo Rachel VessImage 24- Musée de Burgos, Espagne. Détail du martyre de saint Laurent, Maître de Budapest. Vers 1475. Photo Rachel Vess
Image 25- Monastère royal saint Thomas, Avila , Espagne. Détail du retable, Pedro Berruguete, 1494. Photo Levan RamishviliImage 26- Cathédrale de Cuenca. Détail du songe de Joseph, Juan de Borgogna. Vers 1535. Photo Rachel Vess.Image 27- Possiblement en cuivre et fer. Musée de Santa Cruz, Tolède. Détail de la naissance de la Vierge sur un retable de Francisco de Comontes. Vers 1530. Photo Rachel Vess.Image 28- BNF, Paris. Bréviaire de Martin d’Aragon, ROTH 2529. Détail de la naissance de la Vierge, f381v. Photo GallicaImage 29- Musée d’art de Cleveland. Détail de la naissance de Jean Baptiste, de Jean de Flandres. Vers 1496-99. Photo Musée de ClevelandImage 30- Retable de l’église Santa Maria de Trujillo, Espagne. Fernando Gallego. Vers 1480. Photo Wikimedia commonsImage 31- Morgan Library, New York. Livre d’heures, MS G.1 I fol. 2r. Photo Morgan Library .Image 32- Niedersächsisches Landesmuseum, Hannover. Retable Sogenannte Goldene Tafel du Meister der Goldenen Tafel. Vers 1418/1420, Photo Marburg
Réchauds à usage professionnel
La couleur utilisée est celle du métal. Métal ou céramique ? Difficile de trancher, les deux sont plausibles.
Image 33- Détail de la scène Tanaquil tissant : des peignes à carder sont mis à tiédir. BNF, Pais. Giovanni Boccaccio, De Claris mulieribus, Français 598, f70v.Début XV°s. photo Gallica
D’autres modèles ronds et probablement en céramique, pour réchauffer des individus ou des objets.
Image 34- BL, Londres, Decretals of Gregory IX with glossa ordinaria (the ‘Smithfield Decretals’), ms Royal 10 E IVf, 138. Photo BL (avant le crash oct 23)Image 35- BL, Londres, Decretals of Gregory IX with glossa ordinaria (the ‘Smithfield Decretals’), ms Royal 10 E IVf, 138v. Photo BL (avant le crash oct 2023)
Parfois, le pot à feu circulaire est protégé et posé dans une caisse en bois probablement remplie terre ou bien de sable. C’est le cas pour ces peigneurs-cardeurs de laine.
Image 36- Nuremberg, Bibliothèque municipale, Amb. 317.2° Folio 28 verso (Mendel I). Frère Conrad de la maison de retraite dite des Douze frères de Nuremberg. Le bol contenant les braises semble abrité dans une caisse (remplie de sable ?). vers 1425. Photo Die Hausbücher der Nürnberger Zwölfbrüderstiftungen ProjektImage 37- Nuremberg, Bibliothèque municipale, Amb. 317.2° Folio 64 verso (Mendel I). Frère Kunz de la maison de retraite dite des Douze frères de Nuremberg. Le bol contenant les braises semble abrité dans une caisse (remplie de sable ?). vers 1442. Photo Die Hausbücher der Nürnberger Zwölfbrüderstiftungen Projekt
Je pense que le fond n’est pas en bois mais bien en terre ou sable, comme les deux peigneurs car le motif n’est pas celui habituellement utilisé pour montrer les veines du bois.
Image 38- Détail de la scène Tanaquil tissant. BNF, Paris. Cleres et nobles femmes, Fr 12420, f71r. Photo Gallica
Pots à feu, utilisation en intérieur
Image 39- Détail d’une veillée mortuaire. Il y a deux pots pour 4 moines. BNF, Paris. Très belles Heures de Notre-Dame, NAL 3093 , f103v. Photo GallicaImage 40- Musée Fenaille, Rodez. Réchaud en terre cuite. C’est petit, maximum 20cm de diamètre. XIV°s. ou XV°s. Photo musée FenailleImage 41- Château de Bonaguil, Fumel. Réchaud restauré. Le dossier Palissy dit 12cm de haut et 17,5 de diamètre. Photo Bernard Chabot pour les Monuments HistoriquesImage 42- Château de Bonaguil, Fumel. Réchaud restauré. L’albarello à gauche mesure 7cm de haut. Photo akynou
Braseros en extérieur
Une utilisation en extérieur est représentée sur des champs de bataille employant des armes… à feu.
Image 43- Bibliothèque de Genève. Jean Mansel, La fleur des histoires,Ms. fr. 64 . Vers 1480. Photo ecodiceImage 44- BNF, Paris.jean froissart, chroniques, Français 2645, fol. 116v, Siège de Brest (1386). Photo GallicaImage 45- Scena, Italie (Sud-Tyrol). Détail d’une peinture murale représentant le martyre de saint George et le tonneau. Un bourreau chauffe des clous au rouge sur un brasero. Photo Imareal
Chaufferettes à mains
Encore plus mobiles et encore mieux transportables, il existe les chaufferettes à mains. Les modèles médiévaux étaient sphériques, d’un diamètre d’environ 10cm. La sphère s’ouvre par le milieu par une charnière et peut se verrouiller avec un petit loquet. Les modèles non ajourés peuvent contenir des braises sans risque d’incendie. Les modèles un peu plus récents (dès le XVI°s.) sont ajourés et contiennent eux aussi un dispositif gyroscopique, assurant la stabilité d’une minuscule lampe à huile.
Image 46- Trésor de la cathédrale d’Halberstadt. Chauffe mains en cuivre et or. Diamètre de 10 cm. Fin XIII°s. Photo nat.museum-digital.
Le musée de Cluny possède également un hémisphère de chaufferette. Et il y a deux chaufferettes similaires du XVI°s au musée de la Renaissance d’Ecouen : une et deux.
Image 47- Musée de Cluny, Paris. Chaufferette en cuivre d’un diamètre de 11,2 cm. Vers 1220-1240. Photo RMN
On devine un dispositif à double pivot à l’intérieur mais il n’est pas possible de savoir sur cette seule photo si c’est pour recevoir des braises ou une mini lampe à huile.
Image 48- Shaffhouse, Suisse. Schaffhausen, Museum zu Allerheiligen, Dauerausstellung zur Klostergeschichte. Inv.5385. XV°s.. Photo wikipedia
Cette petite lampe à huile est estimée XVI°s., le dispositif de suspension est bien visible ; le musée précise qu’il est connu depuis au moins le XIII°s. et figure dans le carnet de Villard de Honnecourt (cliquez pour lire) ; le cartel indique également que la plus ancienne mention de chaufferette dans un inventaire remonte à 1214 à cathédrale de Salisbury.
Les chaufferettes du musée de Cluny et d’Halberstadt (img 46 et img 47) sont ornées de scènes religieuses : elles étaient probablement utilisées par des prêtres lors de la célébration des offices dans des églises glaciales, afin de ne pas laisser échapper des objets à caractère sacré avec des doigts gourds. Les chaufferettes étaient déjà utilisées à l’époque carolingienne, mais ce n’est qu’à partir de la fin du 12e siècle qu’elles furent produites en grand nombre, surtout dans la région Rhin-Meuse, en Angleterre et à Paris. Il semblerait que seulement 11 artefacts médiévaux complets soient parvenus jusqu’à nous. [01]lire https://nat.museum-digital.de/object/1229937 et https://de.wikipedia.org/wiki/W%C3%A4rmekugel.
Image 49- Musée de Bâle. Chaufferette en alliage de cuivre. Inv. 1877.61. XVI° s. Photo du muséeImage 50- Chaufferette beaucoup plus récente (XVII-XVIII°s.) avec un dispositif gyroscopique protégeant une lampe à huile. Photo invaluable