Il sera question dans ce billet des vêtements que l’on porte le plus souvent à l’extérieur, qui couvrent la tête d’une véritable capuche, qui couvrent aussi la nuque, la gorge et les épaules, tout en étant dépourvus de manche.
Le plus connu d’entre tous les vêtements médiévaux comportant un capuchon est probablement celui appelé « chaperon ». L’acception moderne renvoie vers une cape plutôt courte, à capuche. Selon le cntrl, le terme se rencontre dès 1131 et désignerait « une coiffure à bourrelet et à queue », ce qui ressemble plutôt à la description d’une coiffure masculine typique du XV°s. On trouve également la mention de chapiron, caperon, capperon, chappron [01]http://micmap.org/dicfro/search/complement-godefroy/chaperon, la littérature cite aussi esclavine (cnrtl) et cuculle/cuculla (cnrtl ), parfois scapulaire. Autant dire qu’une fois de plus, il sera difficile de nommer précisément en des termes contemporains ce vêtement précis.
Afin d’éviter de faire assaut de termes choisis prélevés dans des lais ou des fabliaux, qu’il faudrait expliciter par ailleurs pour bien en cerner le contexte, ou de termes savants plus ou moins obscurs, j’ai choisi d’utiliser un vocabulaire moderne et des termes simples pour décrire ces vêtements dans leurs représentations : nous allons donc observer des sortes de « ponchos à capuche, de longueur variable »…
Le point commun de ces vêtements d’appoint est la vraie capuche formée et attachée, qu’il convient de différencier d’une capuche de fortune obtenue en se couvrant simplement la tête du pan d’une cape (img 1).
Les manteaux de voyage, à capuche et aux manches portées dépassées[02]sujets d’un autre billet ici-même https://mediaephile.fr/les-manches-partiellement-cousues-au-xiiie-siecle/ ne font pas partie de ce billet, pas plus que les manteaux de voyage à capuche et à manches en demi cercle (img 2).
Quelle forme pour quel usage ?
La version fonctionnelle et primitive (dès le XII°s., img 4, 12, 13, 14, 25) est observable principalement sur des hommes occupés à des travaux des champs ; la tête est plutôt moulée, l’ouverture pour le visage est rarement béante, pour protéger et réchauffer. La pointe à l’arrière n’est pas démesurée, il s’agit simplement de l’angle supérieur du rectangle replié formant la capuche.
Repérables dès le XII°s sur des hommes travaillant à l’extérieur, ces vêtements seront ici répartis en trois groupes.
Groupe I
La première forme est simplissime : un capuchon, un pan frontal, un pan dorsal. Les bras sont totalement dégagés, les pans avant et arrière sont sensiblement de même longueur, non cousus entre eux et flottent librement ou bien sont coincés dans la ceinture (img. 5, 6, 7). C’est un scapulaire (cnrtl) doté d’un capuchon (img. 4). Les coutures sont limitées au strict minimum : la fermeture de la cagoule à l’arrière et le raccord de la cagoule faisant le tour du cou et la liant au pan ventral et au pan dorsal. Le vêtement s’enfile par dessus la tête.
Cette forme est observable dès le XII°s. (img. 4), se retrouve tout au long du XIII°s sur des paysans et n’est plus très répandue à partir du XIV°s, sauf sur quelques moines. C’est un accessoire vestimentaire représenté essentiellement sur des hommes, bien souvent occupés à des travaux d’agriculture.
Sur les religieux, les pans sont longs, à mi-mollets (img. 4). Sur les paysans travaillant aux champs, à la taille de la vigne, à la glandée ou menant un attelage, les pans sont plus courts, descendant à peine sous la taille (img. 5 à 9).
D’un point de vue pratique, cette forme est simple à réaliser comme le suggère ce tutoriel de sortie de bain pour bébé. Mais si vous voulez copier la relique de Giovanni delle Verna, il vous faudra beaucoup (beaucoup!) de petits morceaux pour confectionner votre puzzle circa 1290 (img 10).
Groupe II
Forme
La deuxième forme est une forme courte, la collerette autour de la cagoule est continue, couvre la gorge et le haut des bras (ne descend pas plus bas que la moitié du biceps). Dans sa version la plus ancienne et la plus simple, le bas de la collerette est arrondi mais représenté plutôt horizontal (img. 11) (ce qui est conforme au mobilier de fouille postérieur mais apparenté). Le vêtement est fermé et s’enfile par dessus la tête par la collerette.
Dans l’espace, la collerette ne forme pas un disque plat, mais un large cône tronqué : à l’usage, une collerette trop ample ou trop longue se révèle encombrante ; par exemple, elle tombe à la verticale et cache l’ouvrage lorsqu’on se penche pour travailler. A l’usage, le plus ergonomique est qu’elle colle aux bras sans les entraver.
D’un point de vue couture, le volume de la collerette est obtenu par l’adjonction d’un ou plusieurs goussets, soit sur la poitrine, soit sur la poitrine et dans le dos, soit sur chaque épaule. Le mobilier de fouille a fourni quelques exemplaires au Groenland [03]Ostergaard, E. (2003). Woven Into the Earth Textiles from Norse Greenland. Aarhus University Press. et en Suède [04]homme de Bocksten, qui n’ont pas été datés avec une grande précision pour certains, mais tous postérieurs au XIII°s ; pliée en deux sur elle-même, la collerette forme un angle compris entre environ 100° et 120°, nettement inférieur à 180° (ce qui donnerait un cercle complet) ; le choix des goussets (avant, avant et arrière, latéraux) ne semble pas lié à la forme du « chaperon » (avec ou sans pointe rapportée, avec collerette très courte ou plus longue comme il sera de mise plus tard).
Le rendu est souple, épouse les mouvements et colle au corps y compris au haut du bras ; il n’y a pas d’aspect cartonneux ni rigide, le vêtement ne rebique pas sur les épaules : l’étoffe semble plutôt fine, souple, molle et si une doublure est présente, elle ne semble pas rigidifier le vêtement.
La solution la plus efficace pour se préserver du froid est d’enfiler la tête au travers de la collerette et de passer le visage par l’ouverture (img. 12, 13). S’il ne fait pas assez froid il suffit de rabattre la capuche sur la nuque (img 14), le haut du torse est tout de même protégé. Les hommes sont montrés portant ce capuchon indifféremment de ces deux façons dès la fin du XII° s.
De rares représentations laissent supposer une collerette, assez courte, interrompue devant (img 15, 16, 17, 18). Soit qu’il s’agisse d’économiser un gousset, soit qu’il s’agisse de « chaperon » incomplètement boutonné sur le devant. Notons que ce « chaperon » court semble assez fin et souple pour pouvoir porter une sorte de béret par dessus (img 18). De même, il n’est pas rare de voir ou de deviner un bonnet blanc noué sous le menton (exclusivement masculin) sous le « chaperon » (img 19, 20).
La version « chaperon » boutonné est également bien présente (img 19, 20) au XIII°s. Le bonnet blanc noué sous menton et porté sous le « chaperon » suggère que le porteur est un homme.
Port
Vers le milieu du XIII° s., quelques illustrations témoignent d’un port masculin plus original et plus proche de celui d’un chapeau ou d’un bonnet : le même vêtement est posé sur la tête en enfilant à peine le sommet du crâne au travers de l’ouverture du visage et non pas par la collerette (img 21, 22, 23) .
L’ouverture entourant normalement le visage est parfois roulée sur elle-même, formant un bourrelet et laissant voir la doublure. La collerette pend alors sur la nuque et la pointe vers le front, comme sur cet homme tout à droite de la table (img 22). La perspective n’est pas le point fort des peintures médiévales, et certaines donnent l’impression d’une orientation gauche-droite mais la plupart permettent de déduire clairement une orientation avant-arrière (img 24) comme on le voit distinctement sur les illustrations du Codex Manesse[05]Universitätsbibliothek Heidelberg, Codex Manesse, Cod. Pal. germ. 848, 110r ; 205r ; 290r ; 292v ; 323r ; 362r ; un peu moins distinctement, une scène laisse deviner le même port « en chapeau » sur une femme assistant à un duel [06]Universitätsbibliothek Heidelberg, Codex Manesse, Cod. Pal. germ. 848 f. 190v , mais pointe et collerette semblent tournées à 90° et semblent plus rarement à l’aplomb des oreilles.
Notons que ce chapeau volumineux peut être porté par dessus un bonnet fin noué sous le menton, mais que ce n’est pas systématique.
Ce port détourné sera à la mode plus d’un demi siècle et traverse les frontières (img 24, 38, 39).
Groupe III
La troisième forme est plus proche de la précédente que de la première : une cagoule avec une longue collerette couvrant les bras et tombant sur les mains, voire à mi-cuisse. Le vêtement est invariablement fermé et s’enfile par la tête.
Certains l’appellent esclavine ou cuculle, voire pèlerine (bien que la pèlerine moderne s’ouvre sur le devant). Techniquement, il s’agit bien d’un vêtement à capuche, dépourvu de manche et je l’inclue dans ce billet (img. 25 à 30).
Bien souvent, ce vêtement est montré sur des individus en action qui utilisent leurs mains : le vêtement semble alors plus court devant. Pourtant La forme la plus plausible est celle d’une cloche, avec une même longueur devant et derrière ; alors est-elle réellement plus courte devant ou tout simplement relevée/posée sur la pliure du coude (img. 27) ? Rien n’est certain (img. 30).
Beaucoup de bergers en sont dotés [07]Bergers : Amiens, BM, 0023 f.105v ; Autun, BM, S 169 (146 A), f.374v ; Besançon, BM, 0007, f.116v ; Chambéry, BM, 006, f. 388v ; Dijon, BM, 0007 (0007), f.442 ; Lyon, BM, 0409 (0336), f. 412v ; Paris, BIU Sorbonne, 0011, f.282 ; Toulouse, BM, 0005, f.308v , mais on peut également l’observer dans plusieurs calendriers sur l’homme se réchauffant à la cheminée qui illustre Février (img. 26) et sur quelques marins (img. 30).
Ce n’est pas un vêtement présent sur les riches épaules, il est utilitaire.
Un vêtement mixte ?
Il est légitime de penser que les femmes se défendaient du froid elles aussi. Mais l’iconographie ne nous aide guère avant le XIV°s car les personnages féminins sont infiniment moins présents que les personnages masculins. Il y a donc peu, très peu de représentations de femmes portant un « chaperon » au XIII° s. , voici celles que je connais, elles concernent uniquement le Groupe I et le Groupe II.
C’est un vêtement du Groupe I qui sert de manteau de voyage à Noémie (img. 31). On reconnait la capuche et les bras dégagés, avec une légère variante : les pans sont immobilisés non par une ceinture mais par des liens noués sur les flancs.
Concernant le Groupe II, nous voyons deux compagnes de Ruth (la belle-fille de Noémie, et l’arrière grand mère du roi David) glanant aux champs (img. 32).
Avec ou sans doublure ?
Concernant le groupe III, la plupart des illustrations laissant voir le bas de l’intérieur du vêtement montrent un vêtement sans doublure, ou du moins avec une doublure de même couleur ; le rasoir d’Occam tend vers l’hypothèse que ces vêtements utilitaires étaient simples, pas particulièrement travaillés, qu’ils étaient épais et n’avaient pas besoin de doublure, ni pour en augmenter l’efficacité, ni pour en améliorer l’aspect.
La remarque vaut pour le groupe I primitif (c’est à dire en se cantonnant au XIII°s et en excluant les « chaperons » du paragraphe « que sont-ils devenus ? »).
Concernant le groupe II, qui permet des ports plus variés et concerne un public plus large, nous avons des représentations dès mi-XIII° s. révélant la face interne : sans surprise, elle présente une couleur contrastante (img 19, 20, 22, 23). A la fin du siècle il sera même possible d’y repérer de la fourrure (img 24).
Voilà pour le tour d’horizon des vêtements d’extérieur, sans manche et à capuche des XII° et XII°siècles. La tentation est grande de savoir ce qu’il en est un peu plus tard…
Que sont-ils devenus ?
Au fil du temps, des formes apparentées mais différentes finiront par couvrir la tête et/ou les épaules des hommes et des femmes jusqu’à la fin du XV°s.
Les vêtements du groupe III conservent leur vocation utilitaire et ne se retrouveront guère que sur les épaules de paysans, de bergers, de fous ou de domestiques. Leur allure variera peu et leurs représentations vont disparaître peu à peu : on n’observera plus guère la forme du groupe III au XV° s.
La mode s’emparera du groupe II pour en faire des objets d’ornement et des accessoires à la pointe de de l’élégance et non plus uniquement des vêtements utilitaires ; ils connaitront un allongement extravagant de la pointe remplacée par une queue rapportée plus ou moins longue (parfois jusqu’au sol) et affectant autant les « chaperons » féminins que masculins. Les anglo-saxons appellent cet ajout liripipe et parfois certains utilisent « liripipion » en français.
Les représentants du groupe I sont extrêmement rares au-delà du XII°s., exception faite d’une forme très spéciale observable vers 1375.
Groupe I
Vers le troisième quart du XIV° s. apparaît une déclinaison très particulière qui pourrait presque relever du groupe II mais je la conserve dans le groupe « à pans » car elle dégage totalement les bras. Cette variation n’est plus utilitaire mais purement ornementale. Une fine queue démesurée est rapportée à l’emplacement de la pointe, le pan frontal et le pan dorsal sont très courts et reliés sous les aisselles (img 33). Cette variation n’est observable que sur les hommes.
Groupe II
Port
La forme de base (collerette couvrant le haut des bras, pointe de longueur raisonnable) est portée longtemps. Le port classique ainsi que le port « en chapeau ») est observable encore vers 1340 tant sur les femmes que sur les hommes [08]Oxford, Bodleian Library, Roman d’Alexandre, ms264, f.58r , toutes et tous soucieux de leur apparence, et non plus simplement sur des individus se protégeant du froid en travaillant. Dans ce cas les ornements (modérés) sont pas l’apanage exclusif des chaperons masculins (img. 34, 35).
Afin de mieux ajuster la cagoule sur la tête en port naturel, il est fréquent d’observer un revers, un retroussage en arrière au-dessus du front, laissant apparaître la doublure (img. 33, 42).
Le port en chapeau, que l’on a vu précédemment porté plutôt (mais pas exclusivement) avec une orientation avant/arrière (img. 36) est observable également en orientation droite/gauche début XIV°s en Italie (img. 37, 38).
Cet original a choisi de transformer en visière la collerette et non la pointe (img. 39, 40) et cet autre se prend pour un coq (img. 41).
Les fouilles de sépultures du Groenland [09]Ostergaard, E. (2003). Woven Into the Earth Textiles from Norse Greenland. Aarhus University Press. ont livré des « chaperons » tardifs, à collerette courte et à queue plus ou moins longue ; un chapeau simple sans rebord a été retrouvé à l’intérieur d’un « chaperon » : il existe véritablement une diversité incroyable dans la façon d’agrémenter, d’adapter et de personnaliser ce vêtement.
Première branche dérivée : le « chaperon » orné
En parallèle, un « chaperon » nouveau réchauffe les plus jeunes épaules, friandes de nouveauté ; il prend une allure plus frivole, il est de plus en plus orné. La collerette perd en sobriété, est découpée (img. 42) en freppes – l’usage d’un drap de laine foulonné limite considérablement l’effilochage – et est modelée en formes diverses (img. 42), avec des pointes, des lambrequins en partie basse (img. 42, 43) ou même des franges.
Les illustrations montrent une concentration de motifs dans le bas, suggérant une possibilité de broderies ou de décorations appliquées en plus des freppes et des découpages. Attention toutefois à ne pas considérer le rehaut blanc contrastant qui sert au peintre à rendre son oeuvre plus lisible, avec des ornements rapportés.
La pointe épaisse mais discrète est remplacée par une queue fine et assez longue pour parfois frôler le sol ; elle est alors glissée dans la ceinture pour la maîtriser ou nouée pour la raccourcir (img 44). Ce « chaperon » ouvragé devient un véritable accessoire de mode et ne serait vraiment plus pratique du tout pour les activités physiques ; la forme classique perdure par exemple pour la chasse (img. 35) mais aussi sur les épaules plus âgées (img. 41).
Les représentations féminines sont moins fréquentes, cependant les femmes portent, mais plus rarement, un « chaperon » similaire à celui des hommes. Elles l’arborent volontiers à la façon d’une étole, sans passer la tête au travers, peut-être pour ne pas déranger la nouvelle coiffure à la mode avec deux tresses en pilier encadrant le visage. Ce port en étole ne facilite pas l’observation : le bas, qui est visible, ne présente pas toujours de fantaisie (img. 38), mais il en existe tout de même (img. 39).
Des coquettes italiennes ont adopté un port de « chaperon » qui ne dérangera pas leurs cheveux coiffés (img 45, 46).
Plus tard encore le port « déployé sur les épaules » ne concerne plus que les domestiques et les rangs inférieurs. Le modèle « chapeau », prisé de la noblesse (img. 47) évolue encore pour arriver au XV°s à une coiffure exclusivement masculine, qui n’est plus modulaire du tout, constituée d’un bourrelet probablement fixe (img. 50) et d’une longue queue fine entourant le visage et parfois la gorge (img. 48).
Ce chaperon-là peut réellement être qualifié de « coiffure à bourrelet et à queue » et est rendu célèbre par les portraits de cour (img. 49, 50)[10]Bruxelles, Bib. Royale de Belgique, Jacques de Guise, Chroniques de Hainaut, dans la traduction de Jean Wauquelin, vol. 1, ms. 9242, fol.1 r .
Seconde branche dérivée : le chaperon ouvrant jamais fermé
Un modèle de « chaperon » ouvrant et boutonné est connu depuis le milieu du XIII°s, observé essentiellement sur des hommes (img. 19, 20). Il est mixte au milieu du XIV°s (img 51).
Une version va lentement dériver vers un « chaperon » typiquement féminin, orné de boutons décoratifs qui ne sont plus destinés à fermer le vêtement dont les pans sont largement ouverts sur la gorge [11]un exemplaire en six morceaux est décrit dans : Crowford, Pritchard, Staniland. Textile and clothing 1150/1450 (2001). Museum of London. pp 190-191 ; les boutons finiront par disparaitre au XV°s (img. 66). Ce « chaperon » est doté d’une longue queue rapportée.
La collerette discontinue couvre les épaules et le haut des bras, le décrochement sous le menton est bien prononcé (contrairement au « chaperon » rudimentaire à pointe courte et épaisse du groupe IV (cf. infra)). Le contour du visage est retroussé, rabattu vers l’arrière (img. 52), mais peut aussi être conservé en visière parfois très prononcée (img. 53, 54, 55). Le bas de la collerette épouse généralement le décolleté de la robe, contrairement aux vêtements du groupe IV qui pendent en arrière des épaules.
Groupe IV
Dès le début du XIV° s. , on peut observer une capuche rudimentaire, ouverte, qui semble un simple rectangle plié en deux, cousu sur un côté et simplement posé sur la tête (img. 57). Un simple rectangle, certes, mais doublé et savamment retroussé pour laisser voir la doublure (qui peut même être de la fourrure).
Il n’y pas de démarcation capuchon/collerette car il n’y a pas de collerette : techniquement, ce vêtement ne devrait pas être pris en compte dans ce panorama puisqu’il ne s’agit pas d’une véritable capuche séparée des pans couvrant nuque, gorge et/ou épaules. Mais il est présent et proche des « chaperons », voilà pourquoi je l’intègre tout en le plaçant à part.
Des variations peuvent affecter la pointe, qui peut être rétrécie, rallongée, et rabattue sur la tête vers l’avant (img. 58).
Le fait qu’il soit représenté fourré de vair (img 57) ne plaide pas vraiment en la faveur d’une mode « utilitaire », ni d’un port exclusif par des personnes de petite condition sociale, il semble assez uniformément réparti : personne aisée (img. 57), jeune portant les tresses à la mode (img. 58), simple bergère (img. 59), femme âgée (La Vieille, img. 63).
Il semble toutefois y avoir une constante : je n’ai repéré cette capuche rudimentaire que sur des femmes.
Elle peut se confondre parfois avec la version « chaperon boutonnable toujours porté déboutonné » (img. 62, 63).
Elle cohabite avec ces versions (img. 66).
Un mot à propos du port « pointe rabattue vers l’avant »
Ce port particulier est observable sur tous types de « chaperons » des groupes II et IV (ceux offrant la plus grande fantaisie ou le plus large public concerné ou la plus grande amplitude chronologique).
Dès le second quart du XIV° s., au lieu de pendre naturellement vers la nuque, on peut observer que la pointe est parfois rabattue sur la tête vers le front, à la façon des bonnets phrygiens.
Lorsque l’on observe les scènes, il n’y a rien qui puisse indiquer un marqueur d’indignité ou d’étrangeté au fait de porter la pointe rabattue vers l’avant : une bergère trait des brebis (img 61), Franchise (bonnet vert) et Pitié rencontrent l’Amant (img 62), un homme parmi des individus non « marqués » (img 60), Cortoisie et Largesce parlant à la Vieille (img 63).
L’hypothèse d’un « indicateur de mouvement de la tête » est peu probable, sinon la femme aux brebis (img 61), baissant la tête aurait la pointe sur le front, et le porcher à la glandée montrant les glands (img 65) aurait lui, la pointe en arrière comme la femme à la robe rose et au capuchon noir (img 66).
S’il y a une conclusion à tirer à propos de ces pointes rabattues, c’est qu’il s’agit probablement ni plus ni moins qu’une mode, un détail laissé à l’appréciation de chacun selon le confort ou le rendu qu’il souhaite, à l’image du large éventail de possibilités offertes par ce vêtement.
Notes
⇧01 | http://micmap.org/dicfro/search/complement-godefroy/chaperon |
---|---|
⇧02 | sujets d’un autre billet ici-même https://mediaephile.fr/les-manches-partiellement-cousues-au-xiiie-siecle/ |
⇧03, ⇧09 | Ostergaard, E. (2003). Woven Into the Earth Textiles from Norse Greenland. Aarhus University Press. |
⇧04 | homme de Bocksten |
⇧05 | Universitätsbibliothek Heidelberg, Codex Manesse, Cod. Pal. germ. 848, 110r ; 205r ; 290r ; 292v ; 323r ; 362r |
⇧06 | Universitätsbibliothek Heidelberg, Codex Manesse, Cod. Pal. germ. 848 f. 190v |
⇧07 | Bergers : Amiens, BM, 0023 f.105v ; Autun, BM, S 169 (146 A), f.374v ; Besançon, BM, 0007, f.116v ; Chambéry, BM, 006, f. 388v ; Dijon, BM, 0007 (0007), f.442 ; Lyon, BM, 0409 (0336), f. 412v ; Paris, BIU Sorbonne, 0011, f.282 ; Toulouse, BM, 0005, f.308v |
⇧08 | Oxford, Bodleian Library, Roman d’Alexandre, ms264, f.58r |
⇧10 | Bruxelles, Bib. Royale de Belgique, Jacques de Guise, Chroniques de Hainaut, dans la traduction de Jean Wauquelin, vol. 1, ms. 9242, fol.1 r |
⇧11 | un exemplaire en six morceaux est décrit dans : Crowford, Pritchard, Staniland. Textile and clothing 1150/1450 (2001). Museum of London. pp 190-191 |