Les sacs de transport, les sacs de voyage

A la recherche de sacs de transport, c’est à dire hors sac de stockage (sacs de grains, sacs de farine, emballages provisoires) et hors contenants de toutes sortes suspendus à une ceinture, l’enquête s’est tournée du côté des voyages.  Après analyse des contextes de voyage grâce aux cartels des bibliothèques et bases de données, deux grandes familles de déplacements se dégagent principalement : d’une part les déménagements & exils et d’autre part les pèlerinages (réels ou symboliques).

Mais les militaires, les marchands ambulants, les bergers ou les cueilleurs de fruits et légumes sont aussi des utilisateurs de sacs de transport.

Si ce thème vous intéresse également, voici les pistes de recherches suivies, ainsi que les différents contenants retenus.

 

1. Les déménagements, exil et retour

Parmi les exilés et voyageurs les plus connus, il est facile de repérer la Sainte Famille pendant la Fuite en Égypte pour éviter les persécutions d’Hérode (fig 1, 2). Nous avons alors quelques constantes (la composition de la famille et son organisation : Joseph marche, Marie sur un âne porte Jésus dans ses bras) et quelques variables (présence d’un ou plusieurs compagnons de voyage, présence de bagages).

Figure 1 – Marie, Joseph et Jésus fuyant Hérode en Egypte. A l’arrière plan, le miracle du blé. Paris, Bibl. Mazarine, 0502, f. 086v
Figure 2 – Marie, Joseph et Jésus fuyant Hérode en Egypte. Paris, Bibl. Mazarine, Coll. Faralicq 6, f. 61v

Joseph est le seul du couple à porter un bâton sur les scènes de Fuite en Égypte ; la question ne se pose pas pour Marie juchée sur sa monture et les bras occupés à porter sa sainte charge.

Plus rarement, on peut repérer le voyage vers Bethléem de Marie et Joseph (fig. 3) (il n’y a pas de bébé) ou bien le retour d’Égypte du trio (après la mort d’Hérode) vers Nazareth ; dans ces deux cas, Joseph et Marie vont à pied ; la différence entre les deux scènes est la présence du bébé.

Figure 3 – Marie et Joseph se rendant à Bethléem. Jésus n’est pas encore né. Paris, Bibl. Mazarine, ms 473, f. 72 bis

 

La tradition biblique mentionne également les pérégrinations des ancêtres de Jésus : Elimélek, Naomi (ou Noémi, Noémie) et Ruth.
Nous avons d’une part l’exil d’Elimélek & Naomi[01]Elimélek et sa femme Naomi fuient la famine de Judée et s’établissent avec leurs fils Malhon et Kilyon dans le pays de Moab. Malhon épouse Ruth, une moabite qui se convertira au judaïsme. A la mort de son époux et de ses deux fils, Naomi décide de rentrer à Bethléem ; Ruth va l’y accompagner prouvant sa fidélité au judaïsme.

Figure 4 – Elimelek et Naomi fuyant la Judée. Paris, Bibl. Mazarine, ms 38, f.179v
Figure 5  – Elimélek, Naomie, Malhon et Kylion fuyant la Judée. Paris, Bibl. Mazarine, ms 29, f. 76

Et nous avons d’autre part le retour de Naomi, accompagnée de sa bru Ruth.

Le plus souvent, seul Elimélek a un bâton qui, la plupart du temps est porté sur l’épaule (fig. 5) et un baluchon y est suspendu.
Parfois, mais ce n’est pas systématique, Naomi et les enfants utilisent aussi un bâton de marche.
Parfois Naomi porte également un vêtement au bout de son bâton sur l’épaule (fig.4).
Parfois, le marcheur est encombré à la fois d’un bâton de marche et d’une perche (fig. 6 et 8).

Dans les cas les moins intéressants pour notre enquête, ce sont uniquement des vêtements qui sont disposés sur la perche (fig. 4). Nous ne les citerons pas par la suite.
Dans les cas les plus intéressants pour notre enquête, le bagage est constitué d’un bissac ou d’un baluchon (fig. 5). Il est parfois accompagné d’un vêtement (probablement un manteau ou des vêtements chauds) et d’une gourde : tonnelet, gourde ronde en céramique, etc.

Figure 6 – Elimelek et Naomi fuyant la Judée. Sankt-Peterburg, RNB, lat. 8° v. I. 0043, f. 099
 

Figure 7 – Elimelek et Naomi fuyant la Judée. Toulouse, BM 5, f. 85v
Figure 8 – Elimelek et Naomi fuyant la Judée. Vendôme, BM1, f.86
Figure 9 – Elimelek et Naomi fuyant la Judée. Cambrai, ms 328 (0310), f.72v

Lorsque la charge sur le bâton est indistincte, nous avons pris le parti de la considérer comme vêtement si elle est colorée, et  comme bagage si elle est blanche.

Pour la suite de l’enquête, nous n’avons pas retenu les scènes de voyage « sans bagage ».

 

 

2. Les pèlerinages

Au sens propre, le pèlerinage est une visite vers un sanctuaire pour demander l’intercession d’un saint en particulier (mort ou vivant…).

Les attributs typiques du pèlerin sont le bourdon (bâton de marche) et la sacoche (un petit sac destiné à contenir le pain pour la journée) ; ce sont eux qui font l’objet de bénédictions pour des pèlerinages particuliers (fig. 10). Associés, ce sont deux marqueurs permettant de reconnaître des pèlerins (qui sont également équipés d’un vêtement chaud et d’un chapeau à large bord).

Figure 10 – Lyon, BM, 0565 (0481) f. 175 bis

Au figuré, la notion de pèlerinage est exploitée pour décrire la vie elle-même : le Pèlerinage de vie humaine, par « Guillaume de Digulleville, moine de Chaalis » par exemple. Ses textes ont été abondamment illustrés et le héros est toujours doté des attributs habituels des pèlerins : bourdon et sacoche. Le bourdon étant un peu plus qu’un simple bâton : son extrémité basse est ferrée et la poignée est délimitée par deux bosses (ou parfois une seule boule terminale).

Dans le cas de pèlerinage précis, ou de pèlerin illustre (tel saint Jacques le Majeur), le bâton n’est figuré que comme bâton de marche. Dans les manuscrits illustrant des pèlerinages plus symboliques, nous avons vu des bourdons sur l’épaule, supportant divers objets ; ces objets étant parfois assez nombreux, le bourdon est un bon moyen pour le peintre de les montrer tous à la fois.

En tout état de cause, le pèlerinage est associée à l’humilité et par voie de conséquence également à la pauvreté, au moins momentanée. C’est peut être cette association qui oppose Pauvreté et Fortune (fig. 11).

Le matin de Pâques, sur la route d’Emmaüs, Jésus rencontre deux disciples affligés par sa mort quittant Jérusalem. Ils sont surnommés « pèlerins d’Emmaüs » et sont le plus souvent représentés équipés d’un bourdon, et portent en bandoulière la fameuse petite sacoche à pain (fig. 17). Cette scène pourrait également figurer au paragraphe « voyage » mais nous la classons avec les pèlerinages.

Nous avons rencontré un petit anachronisme : au folio 72v du manuscrit 18 de la bibliothèque Mazarine, Elimélek quittant Bethléem est équipé d’une sacoche (fig. 18). Le rabat est décoré d’une coquille saint-Jacques, ce qui est destiné à confirmer son statut de voyageur auprès du lecteur mais ce qui n’a pas de sens car Elimélek est… un aïeul de Jésus et ne connaissait donc pas le culte de saint Jacques de Compostelle.

 

3. Les pauvres et les mendiant(e)s

Les personnes malades ou mal portantes en sont parfois réduites à la mendicité : lorsqu’elles sont représentées, il s’agit souvent d’illustrer des miracles (paralytique remarchant, aveugle revoyant…). Ces scènes-là apportent peu à notre enquête. Il existe d’autres mendiants, qui sont aussi des vagabonds par choix : ceux-là nous intéressent plus car ils sont parfois dotés de sacs de formes diverses et non toutes identifiées (fig. 11).

Figure 11 –  Bib. Mazarine ms 3878, f 81v

 

4. Les marchands et cueilleurs du Tacuinum sanitatis

En matière d’échoppes, marchands et denrées,  les divers manuscrits illustrant le Tacuinum sanitatis[02]https://fr.wikipedia.org/wiki/Tacuinum_sanitatis sont très précieux. Toutes sortes de contenants y sont figurés, pour toutes sortes de transactions, du simple sac rectangulaire pour la farine au sac à baguettes rigides en passant par les paniers, les flacons et les boîtes en bois blanc.

Du manuscrit  Latin 9333 de la BNF, nous avons retenus le marchand de grives, la récolte de l’alpinia[03]de la famille du  gingembre, le ramasseur d’oeufs de perdrix(?) et la récolte de fèves, montrant des sacs en toile montés sur des baguettes rigides (fig. 18, 19, 20, 22).

 

5. Les bergers

Les bergers, qui sont forcément éloignés de leur maison emportent probablement des provisions de bouche et quelques menus objets lorsqu’ils sont occupés au pâturage. Un sac particulier leur est associé, qu’ils portent à la taille à la façon des sacs « banane » de la fin du XXème siècle. Il est souvent quadrillé (fig. 11b), ce qui suggèrerait la présence d’une sorte de filet. C’est également une sorte de filet qui est visible sur une statue de berger de  la cathédrale d’Amiens (copyright sur la photo qui ne sera pas reproduite ici, vous y accéderez en cliquant sur le lien).  Le contenu de ces sacs-filets de bergers n’est jamais trop identifiable.
Le même type de contenant figure aussi bien sur les bergers que sur les bergères. Parfois, de menus objets sont suspendus à cette « banane » (fig. 11a) par des anneaux cousus [04]voir une tapisserie au  Louvre.
Si l’on ne trouve ces sacs particuliers que sur des bergers, cela ne signifie pas que les bergers n’utilisent que ces sacs. Nous avons vu quelques bergers portant un sac en bandoulière en remplacement ou bien en complément.

Figure 11a – Arsenal, Ms-1185 réserve, f113v.
Figure 11b – Aurillac, BM, 02 (08), f. 059v

 

Ces sacs « banane » étant vraiment très particuliers et leur usage semblant circonscrit aux seuls bergers, nous  arrêterons là l’enquête à leur sujet.

 

Comme souvent, plus nous avançons dans le temps, plus les scènes sont détaillées. L’observation et l’analyse de tous ces sacs de transport  nous ont conduits à  proposer les catégories de sacs suivantes.

 

6. Le bissac

 

Un bissac est un sac en forme de polochon, fendu sur le dessus et formant deux poches aux extrémités lorsqu’il est suspendu sur une perche ou posé sur une épaule ou encore sur le dos d’un animal. Il y a deux poches de stockage mais une seule ouverture pour accéder aux deux. Il ne s’agit pas de deux sacs indépendants ouvrant séparément,  et réunis.

Besace est synonyme  de « Bissac » ;  le terme « besace » est utilisé à tort,  de nos jours par les maroquiniers pour désigner une sacoche avec un rabat, suspendue par une sangle permettant de la porter à l’épaule ou en bandoulière ; ce n’est pas cette signification, tout à fait moderne, que nous avons retenue pour notre enquête. Ainsi, nous n’appellerons pas ici « besace » la sacoche de pèlerin qui est un petit contenant destiné à transporter le pain de la journée sur la route, car il ne s’agit pas d’un bissac.

Le bissac (tel que porté par Joseph fig. 12 et 15) n’est pas aussi facile à reconnaître que la sacoche de pèlerin. Nous avons repéré essentiellement des bissacs blancs ou clairs, probablement en toile, certains hors du contexte de voyage comme le transport de marchandises (lorsque Jésus chasse les marchands du Temple , fig. 16) ou de monnaie (lorsque Matthieu le percepteur romain entend l’appel des disciples de Jésus, fig. 14).

Le volume, évalué selon les probables objets stockés (et non d’après les proportions dessinées), est variable, même si la structure reste identique : le porte-monnaie de Matthieu (fig. 14) n’aura pas les mêmes dimensions que le polochon porté par Philippe de Majorque[05]régent du royaume de Majorque entre 1324 et 1329 ayant souhaité créer un ordre mendiant ; le voilà représenté en mendiant, pieds nus, errant avec un bâton (pas un bourdon) et chargé d’un bissac (fig. 17) ou celui porté par un âne (fig. 17a).

Figure 12 – Paris, Bibl. de l’Institut de France,ms 9, f. 001-078v, f. 013
Figure 13 – Bourges, BM 3, f.76
Figure 14 – Nouvelle acquisition française 16251, fol. 69v. Photo BNF.
Figure 15 – Psautier de saint Albans. Hildesheim, Dombibliothek St. Godehard MS 1. 
Figure 16 – BSB Clm 835, page 160. Photo BSB
Figure 17 – Besançon, BM, 0677, f. 001-128v, f. 082

 

Figure 17a – Saint Hélein et l’onagre. BNF, Français 51, f158r
Figure 17b – Annonce aux bergers. Bib. mun. de Tours, ms 2104, f. 30

 

Figure 17 c – Pique-nique de chasseurs (?). Au moins un bissac sert de gibecière. Tapisserie conservée au musée du Louvre (Paris). ca 1480. Photo Musée du Louvre


7. Le sac en toile avec deux baguettes rigides

C’est un sac de transport que l’on voit plutôt en Allemagne et à la fin du Moyen Âge seulement. Peut-être existe-il avant mais le niveau de détail des peintures ne nous a pas permis d’en identifier formellement. Les plus faciles à repérer se trouvent dans le Tacuinum sanitatis Latin 9333 de la BNF (fig. 18, 19, 20). Il s’en trouve d’autres dans le manuscrit NAL 1673 de la BNF (récolte des noix f.12r), ainsi que dans le Ms.4182 de la Casanatense.

Il s’agit vraisemblablement de toile (lin, chanvre) brute (non teinte). La large ouverture du sac est rigidifiée par deux baguettes de bois (?) glissées dans une partie du col du sac et percées pour laisser passer une cordelette qui servira à la fois à fermer le sac et à la fois à le transporter en bandoulière. Il y a un soufflet de chaque côté des baguettes. La cordelette passe à travers les baguettes et parfois aussi à travers de plusieurs plis des soufflets latéraux (fig. 20 ) ; cela peut créer une lanière assez longue pour permettre un port en bandoulière (en ne tirant la cordelette que d’un côté) ou bien une lanière assez courte pour être suspendue à un bâton de marche.

Ce dispositif peut être appliqué à des contenants de tailles diverses mais, selon notre enquête, toujours liés à la nourriture.
Le patron d’un tel sac est très simple : un rectangle plié en deux et cousu sur deux côtés. Les baguettes sont bien entendu plus courtes que la largeur du sac obtenu.

Figure 18 – Bissac sous la main droite, sac à baguettes sous la main gauche. BNF, tacuinum sanitais, Latin 9333, f104v.
Figure 19 – Sac à baguettes. BNF, Tacuinum sanitatis, Latin 9333, f29v.
Figure 20 – Sac à baguettes. BNF, Tacuinum sanitatis, latin 9333, f47v
Figure 22 – Sac à baguettes. BNF, Tacuinum sanitatis, Latin 9333, f60v
Figure 21 – Sac à baguettes. Peut-être en cuir. Meister der Karlsruher Passion. Photo  wikipédia
Image 21bis – Joseph, La fuite en Egypte. Autriche, Graz, Universalmuseum Joanneum. Meister von Uttenheim. 1475-1480. Photo IMAREAL

Nous avons repéré ce type de sac à ouverture rigide en divers contextes liés au transport de denrées, notamment sur une scène de la passion du Christ, dans le dos d’un bourreau de Jésus avec un morceau de pain visible et le goulot d’un flacon dépassant (fig. 21), donc dans un contexte presque militaire (le bourreau est un soldat romain) ; mais aussi dans des scènes décrivant saint Ulrich et son miracle du repas de poisson[06]une légende dit que saint Ulrich ayant servi par mégarde de la viande un vendredi maigre à un émissaire de Bavière, elle aurait été transformée en poisson au dernier moment tryptique Universalmuseum Joanneum, n°inventaire 417 et 418, scènes disponibles dans la base de données Autrichienne Imareal sous les n° 503 et 506.

C’est aussi un sac à ouverture rigide qui sert à un ramasseur d’oeufs, la toile est cependant plus délicate, représentée sous forme de quadrillage (fig. 22) : peut-être est-ce un filet, peut-être est-ce une étoffe très fine et transparente, mais seul le peintre pourrait nous répondre.
A noter : le marchand de grives (fig. 18), en plus du sac à baguettes est probablement équipé d’un bissac (dans lequel il plonge la main) : les deux poches sont rabattues l’une sur l’autre, le bissac  étant posé à cheval sur une sangle.

 

8. Le sac en bandoulière

Nous avons noté que ce sac est systématiquement porté en bandoulière (c’est à dire en travers du torse, et non pendu directement à l’épaule), ce qui est le plus pratique sur de longues distances pour un bagage léger. Il est de petite taille (suffisamment grande pour être repérable sur les dessins mais plus petite sur les sculptures) et semble en toile ou en cuir : on le voit le plus souvent sans couleur (blanche, beige, bise) ou bien noir comme les souliers, ce qui suggérerait que la sacoche est parfois en cuir teinté.

Nous avons remarqué également qu’il n’est que très exceptionnellement coloré (coloré : ni noir, ni blanc, ni gris, ni beige) avant la seconde moitié du  XIVème s.  Parfois, la couleur ssemble plutôt relever d’un choix esthétique (fig. 23) pour l’illustration (on retrouve dans le même ouvrage un bissac orange (fig. 16), ce qui est également fort peu probable).

Le sac typique des pèlerins est appelé écharpe, escherpe, sporta, pera…

 

Figure 23 – BSB Clm 835, page 60. Photo BSB
Figure 24 – Bibl. Mazarine, ms 18 f. 72v.

 

Ces sacs ne se retrouvent que sur des pèlerins et des gens en déplacement qui, habituellement, sont équipés de vêtements d’extérieur :  manteau/garde-corps et éventuellement chapeau de pluie (peu compatible il est vrai, avec le port du nimbe…).

Pourtant, Naomi en porte un sur le folio 72v du ms 328 de la bibliothèque municipale de Cambrai (fig. 10) ;  sa coiffure d’élégante citadine (« touret » et chignon) semble  alors exceptionnellement décalée : il est rare de voir associés ces deux accessoires, c’est aussi incongru que le seraient de nos jours une pochette de soirée en velours et strass portée avec un jogging, ou bien un sac polochon porté avec une robe de cocktail.

De façon générale, avant le milieu du XVème siècle, sur les illustrations les plus plausibles, la largeur de ce sac de pèlerin est à peu près celle d’un visage.

Ce sont précisément les bourdons et les petits sacs en bandoulière qui nous permettent de mieux comprendre la fresque de saint Gilles du Loroux-Bottereau  : un souverain (il est couronné) s’est déplacé, humblement, pour implorer l’ermite saint Gilles devant lequel il est agenouillé ; sa suite l’a accompagné en vêtements de voyage, dans ce pèlerinage (fig. 26) et porte bourdon et sac en bandoulière.

Figure 25 – Escrèpe à angles biens vifs. Pèlerin de retour réclamant sa femme remariée devant le juge. Tours, BM, ms 558, f. 316
Figure 26 – Fresques dite de saint Gilles au Loroux-Bottereau. Photo wikipédia

 

Une observation systématique des images associées aux mentions « sac, besace, musette ou havresac » dans les bases de données françaises [07]Initiale, Mandragore, ne nous a pas permis de trouver de femme en « tenue de ville » portant une musette en bandoulière, à l’exception de quelques représentations de Naomi mentionnées plus haut ; ces peintures sont particulièrement petites et l’ajout d’accessoires de mode typiquement féminins comme le « touret » permettent surtout de distinguer Elimelek de Naomi, en même temps que préciser le statut de Naomi : elle a beau s’exiler pour cause de famine, elle n’en reste pas moins la grand mère du roi David.  Et il s’agit bien là d’indiquer l’exil, l’itinérance (la musette, le bourdon).

Un billet leur est dédié ici même : https://mediaephile.fr/lecharpe-et-le-bourdon/

 

9. Conclusion de cette enquête

La sacoche en bandoulière est un marqueur de déplacement, qu’il s’agisse d’errance continue (mendiants) ou ponctuelle (pèlerinage ou voyage). Il s’agit d’un accessoire utilitaire, pas d’un accessoire de mode.
Le bissac est un marqueur de voyage ou de commerce. Le sac « banane » de berger n’est porté que par des berger(e)s.
Le sac à baguettes est également très particulier dans sa destination (denrées alimentaires) mais surtout dans sa localisation géographique et sa période d’apparition tardive.

Porter une musette en toile en bandoulière, aussi bien qu’un bissac, pour une femme aussi bien que pour un homme, est bien un marqueur de déplacement : on part à l’étranger, on revient de l’étranger, on se rend en pèlerinage, on revient de pèlerinage. Lorsqu’on est chez soi ou en ville, on ne promène pas son casse-croûte avec soi, une bourse normale suffit à contenir de la monnaie pour des emplettes. L’utilisation d’une musette en toile (ou en cuir), en bandoulière ou à l’épaule, n’a de sens que si l’on est en déplacement (voyage ou pèlerinage) ou si  l’on transporte des denrées, ou si l’on est un pauvre errant sans domicile qui porte toute sa fortune avec lui.

 

Notes

Notes
01 Elimélek et sa femme Naomi fuient la famine de Judée et s’établissent avec leurs fils Malhon et Kilyon dans le pays de Moab. Malhon épouse Ruth, une moabite qui se convertira au judaïsme. A la mort de son époux et de ses deux fils, Naomi décide de rentrer à Bethléem ; Ruth va l’y accompagner prouvant sa fidélité au judaïsme
02 https://fr.wikipedia.org/wiki/Tacuinum_sanitatis
03 de la famille du  gingembre
04 voir une tapisserie au  Louvre
05 régent du royaume de Majorque entre 1324 et 1329 ayant souhaité créer un ordre mendiant ; le voilà représenté en mendiant, pieds nus, errant avec un bâton (pas un bourdon) et chargé d’un bissac
06 une légende dit que saint Ulrich ayant servi par mégarde de la viande un vendredi maigre à un émissaire de Bavière, elle aurait été transformée en poisson au dernier moment tryptique Universalmuseum Joanneum, n°inventaire 417 et 418, scènes disponibles dans la base de données Autrichienne Imareal sous les n° 503 et 506
07 Initiale, Mandragore

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