XIII°-XIV°s – Une mode italienne sur des robes de femmes

Ce billet va s’intéresser à une particularité relevée sur feu le forum dès 2012. Il s’agit d’un détail de mode féminine apparaissant fin XIII°s et se trouvant encore au premier quart du XIV°s, essentiellement en Italie et dans sa zone d’influence. Des traits bien marqués sur le buste indiquent qu’une décoration ou une structure particulière est présente sur la robe : un trait vertical central parfois souligné de boutons, parfois zébré d’un lacet et deux traits obliques symétriques partant de la pointe des épaules vers la taille.

Mais ce n’est pas tout. On note également que la position d’une ou parfois deux mains laisse supposer que les côtés sont fendus. On aurait alors un vêtement de dessus ressemblant à une chasuble serrée à la taille.

Vers la fin de cette mode, les flancs ne sont plus aussi rectilignes, moins obliques et plus incurvés, c’est toujours ouvert sur le buste, avec un plastron très étroit sur la poitrine, c’est toujours très échancré au niveau des aisselles et très froncé à la taille, ces caractéristiques faisant une énorme différence avec les surcots sans manche habituels, qui sont toujours très amples, y compris à la taille et portés sans ceinture.

Les représentations de cette mode peuvent s’expliquer d’au moins trois façons, soit par une sorte de corset rapporté sur une jupe ;  soit par la juxtaposition d’une surcotte et d’une cotte ton sur ton ou de couleur différente, soit par l’ajout de rubans ou de décorations qui ne correspondent pas nécessairement à une couture. Il est à noter que les lignes de coutures ne sont quasiment jamais représentées sur les enluminures, il faut attendre les détails précis des primitifs flamands pour que la réalité figurée soit nettement réaliste, ce qui laisse à penser que les traits soigneusement figurés sur de minuscules peintures représentent  le bord d’un vêtement (ourlet, ouverture) ou un ruban décoratif plutôt qu’une simple couture d’assemblage. L’hypothèse du ruban posé en galon est assez nette sur les peintures les plus grandes (fresques murales).

Cette robe (ou cet ensemble robe + surcot) semble associée à une coiffure particulière : soit une lanière nouée en couronne avec les pans libres derrière la tête (img. 1, 2, 3, 4, 6, 15, 19, 21, 23) , soit une sorte de galette peu large et peu haute couvrant à peine le sommet du crâne (img. 14, 15, 16, 17, 18,19, 22, 23) ; le « touret » habituel est rarement présent (img. 11).

Dans le Chansonnier Provençal « Paris, BNF, Français 854″ montre  Na Castelloza, (img. 1), Azalaïs de Porcairagues (img. 2), Beatritz, comtesse de Die (img. 3).

 

Image 1- Na Castelloza. folio 125. Photo BNF (Mandragore)
Image 2- Azalaïs de Porcairagues (folio 140r). Photo BNF (Mandragore)
Image 3 – La Comtesse de Die (folio 141r). Photo BNF (Mandragore)

 

Et dans la version « Paris, BNF, FR 12473 » :  Na Castelloza, (img.4), Azalaïs de Porcairagues (img. 5), la Comtesse de Die (img.6)

Image 4- Na Castelloza dans fr 12473 – f 110v . Photo BNF (Mandragore)
Image 5 – Azalaïs de Porcairagues – f 125v. Photo BNF (Mandragore)
Image 6 – La comtesse de Die FR 12473, f127v. Photo BNF (Mandragore)

 

On devine la même décoration sur Isabelle d’Angleterre dans cette fresque partielle du Palazzo Finco à Bassano del Grappa représentant l’Empereur Frédéric II (Stupor Mundi) offant une fleur à sa femme, Isabelle d’Angleterre. Pour se faire une idée de la taille de la fresque, voir cette vidéo : https://www.youtube.com/watch?v=N9ZzbsKIaXg

Image 7 – Fresque du Palazzo Finco à Bassano del Grappa. Photo diffusée par le compte Facebook du Palazzo Finco
Image 8 – Isabelle d’Angleterre. Photo

 

Dans une Bible, Italie, Padoue. Vers 1287-1300 :  88v, 173r, 177r, 148r, 310v.

Image 11 – Ruth et ses fils. NY, Morgan Library, Bible, Ms M 436, f88v. CA. 1287-1300, Italie (Padoue). Photo Morgan Library
Image 12 – NY, Morgan Library, Bible, Ms M 436, f177v. Ca. 1287-1300, Italie (Padoue). Photo Morgan Library
Image 13 – Osée et Gomer. NY, Morgan Library, Bible, Ms M 436, f310v. Ca. 1287-1300, Italie (Padoue). Photo Morgan Library

Dans un manuscrit de poèmes conservé à Florence, estimé XIII°s et réalisé à Pistoia : BNCF, Rime Antiche, Banco Rari 217 (Palat. 418). Foliotation indisponible sur le facsimile numérique. Il n’est pas certain que les points représentent des boutons, ils peuvent aussi bien renforcer l’idée de décoration (img. 16,19). Les décorations sur les flancs ne sont plus obliques

Image 14 – Florence (Italie), BNCF, Rime Antiche, Banco Rari 217 (Palat. 418)., f74? Foliotation indisponible sur le facsimile numérique. Estimé XIII°s.  Photo BNCF
Image 15 – Florence (Italie), BNCF, Rime Antiche, Banco Rari 217 (Palat. 418), f86?, Foliotation indisponible sur le facsimile numérique. Estimé XIII°s.  Photo BNCF
Image 16 – Florence (Italie), BNCF, Rime Antiche, Banco Rari 217 (Palat. 418). f89? Foliotation indisponible sur le facsimile numérique. Estimé XIII°s.  Photo BNCF
Image 17 – Florence (Italie), BNCF, Rime Antiche, Banco Rari 217 (Palat. 418). f108? Foliotation indisponible sur le facsimile numérique. Estimé XIII°s.  Photo BNCF
Image 18 – Florence (Italie), BNCF, Rime Antiche, Banco Rari 217 (Palat. 418). f111? Foliotation indisponible sur le facsimile numérique. Estimé XIII°s.  Photo BNCF
Image 19 – Florence (Italie), BNCF, Rime Antiche, Banco Rari 217 (Palat. 418). f113? Foliotation indisponible sur le facsimile numérique. Estimé XIII°s.  Photo BNCF
Image 20 – Florence (Italie), BNCF, Rime Antiche, Banco Rari 217 (Palat. 418). f41? Foliotation indisponible sur le facsimile numérique. Estimé XIII°s.  Photo BNCF

 

Dans un manuscrit non numérisé, deuxième partie du XIII°s, dont il existe un facsimile duquel quelques pages sont numérisées : Verona, Biblioteca Civica, ms 1853, f. 26r (img. 20).

Image 21 – Captive du dragon, délivrée par St Georges. Vérone (Italie), Biblioteca Civica, ms 1853, f. 26r. Photo Wikimedia

 

En Italie, à Padoue, dans la Chapelle des Scrovegni, sur une peinture murale de Giotto vers 1304 : une suivante de la scène du Baiser à la Porte dorée (Anne & Joachim, les parents de la Vierge Marie) (img. 21). Le fronçage et la ceinture semblent juste sous les seins à la manière des robes « Empire ».
Moins distinctement sur Anne, on devine le large ruban dans le dos.

Image 22 – Témoin ou suivante dans la scène du Baiser à la Porte Dorée. Italie, Padoue, Chapelle des Scrovegni, vers 1304. Photo Steven Zucker

 

Dans ce manuscrit Italien encore, au moins une des deux robes est fendue sur le côté depuis la taille (img. 23) ; elle est également plus courte que la robe de dessous. La scène représente un mariage religieux, il s’agit de la mariée. Les décorations latérales ne sont plus en biais mais courbes et cintrées.

 

Image 23 – Mariage religieux. Lyon, BM, Decretales, ms 5127, f211. Q1 XIV° s. . Italie du Nord (Bologne). Photo IRHT
Image 23 – Mariage religieux. Lyon, BM, Decretales, ms 5127, f160v. Q1 XIV° s. . Italie du Nord (Bologne). Photo IRHT

 

Dans cet autre mariage (img. 24), il s’agit d’un vêtement séparé, le plastron est étroit, les bors semblent en biais et les cheveux portent ce « frontel » noué avec les pans derrière la tête.

Image 24 – Mariage religieux. Autriche, Salzburg, Universitätsbibliothek, M III 1., f180r. Bologne, vers 1280/1290. Photo Manuscripta.at

 

Dans cet ouvrage (img. 24) les décorations latérales ne sont plus obliques mais cintrées et la décoration centrale ressemble à un laçage.

Image 24 – Suisse, Cologny, Fondation Martin Bodmer, Decretum (cum glossa ordinaria), Cod. Bodmer 75, f210v (aussi 204r, 213v, 214v, 218v, 252r, 258v). Probablement réalisé à Bologne. Q1 XIV° s. Photo e-codice

 

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Back to Top